Les Campus en Région pour les Nuls

Richard Descoings à NancyC’est une grande année que 2010-2011 pour les « campus en régions » de Sciences Po. Après l’ouverture du Campus euro-américain de Reims, le campus de Nancy vient de fêter son dixième anniversaire, et celui de Poitiers s’apprête à célébrer le sien. De plus, un programme euro-africain sera ouvert à Paris sur le même modèle que ceux des campus en régions l’année prochaine à Paris. Que savez-vous, vous parisiens, de vos camarades d’outre-périphérique, et que savez vous, vous poitevins, nancéens, havrais, mentonasques, dijonnais, rémois, ou même toi qui veux intégrer Sciences Po, des autres campus ? LaPéniche a décidé de faire le point sur la question, et sur les relations entre les différents campus, qui font aujourd’hui l’objet d’une attention toute particulière des BDE et des Associations sportives.

Les campus en régions de Sciences Po, c’est 6 villes de petite et moyenne taille, qui accueillent des promotions réduites de l’ordre de la centaine d’étudiants par année. Chacun de ces campus est spécialisé dans une région géographique du monde, c’est ce qui fait leur spécificité. Une autre particularité de ces campus est la population d’étudiants étrangers qu’on y trouve: la procédure internationale permet aux étudiants ayant passé leur bac dans un autre pays que la France d’intégrer l’IEP et de venir étudier avec des étudiants français sur un campus en région. Faire travailler des étudiants de différentes nationalités, dans le but de créer une éducation multiculturelle et plurilingue de ces étudiants, et pour qu’ils développent une intimité culturelle avec l’aire géographique qu’ils étudient, est l’objectif principal de ces campus. Le but est aussi de favoriser la visibilité de Sciences Po à l’international, en accueillant des étudiants internationaux pour l’intégralité de leurs études, et pas simplement pour leur semestre ou leur année de mobilité.

Lorsqu’on l’interroge sur le choix de ces régions du monde, Richard Descoings répond que Sciences Po a opté pour les zones de pouvoir de demain, qui feront perdre du poids sur la scène internationale à l’Europe ou aux Etats-Unis. Le couple franco-allemand de Nancy semble faire exception à cette logique. Comme c’est le « laboratoire » de l’enseignement dispensé sur les autres campus, il était en fait naturel de commencer pour ce premier campus par la proximité géographique, et en même temps par un des impératifs les plus cruciaux de la politique française actuelle – sans vouloir ressortir la tarte à la crème du « moteur franco-allemand » de la construction européenne que l’on nous assène depuis le lycée – celui de la nécessaire entente des « élites » françaises et allemandes.

Reims1.pngLes villes, quant à elles, sont sélectionnées d’abord parce qu’elles entretiennent avec la zone en question des relations privilégiées. Cela peut paraître évident pour des villes comme Menton ou Nancy, mais les raisons sont parfois moins connues pour d’autres zones géographiques : Dijon, par exemple, et la Bourgogne entretiennent depuis plus d’un siècle des relations étroites avec l’Europe de l’Est. Mais de l’aveu du directeur, c’est également une question de relation avec l’administration locale ou régionale qui est en jeu. Alors que certaines villes, comme Montpellier, ne sont pas envisageables à cause d’une municipalité ou une région trop réticente, d’autres partenariats et la motivation de certains élus tels qu’Adeline Hazan à Reims rendent l’installation possible. Le but est également de dynamiser ces villes à la démographie souvent en difficulté et à la vie étudiante peu développée : sur place, les étudiants parlent de leur promo comme d’une « coloc’ géante », un groupe soudé dans les études comme dans le divertissement. Le côté petite promo peut cependant avoir quelques inconvénients, de l’aveu de certains : « attention aux potins ! » ironise-t-ton. Mais ces groupes réduits d’étudiants n’en donnent pas moins une taille plus humaine à la promotion.

A Poitiers, les élèves sont amenés à se spécialiser sur le monde ibéro-américain. A Menton, c’est la zone méditerranéenne qui est privilégiée, l’Europe de l’Est à Dijon, l’Asie au Havre et enfin le monde nord-américain à Reims. Du point de vue de la maquette pédagogique, ces campus sont caractérisés par un enseignement intensif dans les langues concernées, auxquelles s’ajoute à chaque fois l’anglais. 4h de chaque langue, les étudiants étant dispensés de leur langue natale (un brésilien à Poitiers sera donc dispensé de portugais, mais suivra des cours de français). Chaque dispense amène à un cours électif supplémentaire. D’un point de vue professionnel, cette formation polyglotte représente indéniablement un atout majeur.

Reims2.pngAujourd’hui, ce modèle éducatif est au stade expérimental, dans ces campus en régions, dits « délocalisés » voire « de province » par les Parisiens. Le succès de ce système étant désormais avéré, alors que 40% des élèves du collège universitaire se trouvent sur ces campus de région, il n’est pas exclu de proposer dans un avenir plus ou moins proche d’étendre ce modèle aux Parisiens qui le souhaitent. Le directeur reste assez évasif sur la question. Nous avons tous eu vent de la rumeur qui court parmi les étudiants d’une éventuelle délocalisation de l’intégralité du Collège Universitaire sur le campus de Reims, mais rien ne permet de l’affirmer pour l’instant. Toujours est-il que l’intention immédiate pour ces campus est une meilleure information pour les candidats à l’entrée du collège universitaire. « Il reste un tropisme parisien incroyable ! » affirme M. Descoings. Sciences Po reste, il est vrai, extrêmement associé à son campus historique parisien de Saint-Germain, et l’information sur ces campus en régions pour un candidat ne faisant pas la démarche de chercher l’information est très limitée.

Ce « tropisme parisien » de Sciences Po se manifeste également par le manque de communication et de relations entre Paris et les autres campus. Le Minicrit’ reste pour beaucoup de parisiens un « parent pauvre » du Crit’, et la fréquentation des germanopratins à cet événement est assez faible. Pourtant, cet événement est une réelle innovation de l’Association Sportive pour favoriser l’échange entre les différents campus et créer une solidarité de promotion transcendant la distance géographique. Si il est de taille plus réduite que le Criterium, il se déroule dans une autre ambiance, plus « bon enfant« , et ce sont directement les campus en régions qui sont chargés de son organisation. Quand on demande aux Poitevins qui en ont la charge cette année quels sont leurs objectifs pour cette rencontre, ils répondent « Que les gens s’en souviennent, que Paris ramène ses fesses, que Reims lance la machine ! ». De l’ambition, donc, pour le premier Minicrit’ des Rémois, et une volonté de sortir les parisiens de leur septième arrondissement. Il y a là quelque chose d’essentiel de la vie de l’école, puisque tous les campus seront amenés à travailler ensemble dans les locaux parisiens à l’occasion de leur master.

MinicritLe Minicrit’ n’est pas (plus) la seule initiative dans ce domaine. Depuis cette année, le BDE a mis en place ce qui était déjà imaginé depuis plusieurs années dans les campus en régions, dans ce qui est peut-être l’élément le plus innovant du programme du nouveau Bureau des Élèves: le BDE National Tour. Si certains critiquent le nom, et si certains étudiants des campus de régions trouvent que cela ressemble à une visite de l’équipe principale à ses remplaçants, c’est néanmoins quelque chose de nouveau qui se joue ici. Le but: une collaboration des différents BDE pour emmener des étudiants des différents campus voir leurs congénères dans une autre ville. Les Étudiants ainsi conviés sont logés chez des étudiants du campus local, et une sorte de « weekend de cointégration » est organisé, alliant visites culturelles et grosses soirées, pour favoriser le rapprochement entre les différents élèves. Le projet n’en est encore qu’à ses débuts (seuls Paris et Nancy étaient représentés à Reims fin novembre) mais de nombreuses dates sont prévues pendant le second semestre: Poitiers, le Havre et Nancy en février, Menton et Dijon en avril, Paris recevra, elle, en mars. Le but est aujourd’hui d’élargir le nombre d’Étudiants conviés (15 Parisiens et 40 Nancéens à Reims) et de faire de cet événement un rendez-vous annuel, afin de créer dans le Collège Universitaire un réel esprit de promotion fédérant tous les campus, ce qui semble manquer à l’école aujourd’hui.

5 Comments

  • Luc

    Très bonne article ! Je fais parti de ceux qui organise l’édition 2011 des Collégiades ( Le nom a changé le nom depuis Nancy 2010. !

    Je pense que vous avez juste fait une impasse majeure : l’ART

    Le Minicrit, donc, est aussi très différent du Crit car il y a une compétition artistique. Et d’ailleurs Paris nous a très agréablement surpris l’année dernière par un Stand-up drolissime ! + Danse Théâtre, Photographie, Court Métrage et Poésie !

    Sinon, Amen à tout ce que Arthur a écrit, – la parenthèse (boche….) dsl Tuzão !

    Et surtout, Paris ramenez vos fesses… vous n’êtes plus puceaux.. mais on ira toujours franco

  • Arthur S.

    Hey, pas mal l’article !

    Et en tant que petit poitevin en 3A, je tiens à préciser aussi quelques autres avantages des délocs :
    1- Pas assez cher, mon fils :
    Combien vous coûte un appart à Paris ? J’étais perso avec un colloc dans un 60m², moderne, bar à l’américaine, mezzanine, pour 250€ par mois, sans compter la CAF, 120€ avec celle-ci. Ah et j’étais à 1minute 30 de ScPo (Rien de plus agréable que de débarquer à 8h10 en pyjama dans un cours alors qu’on c’est levé à 8h pile). Et le loyer n’est qu’un des détails… les bières et le café, les fêtes, etc. C’est pas cher !
    2- Grande famille :
    Vous avez parlé de la « Grande colloc », mais il faut expliquer aussi pourquoi : Tout le monde habite dans le même quartier (celui de Pipo), un ami qui est à 15 minutes à pied, habite loin. Tout le monde est tout le temps fourré chez tout le monde… Et c’est pratique pour les fêtes, la fête est finie à 4h du mat ? Pas besoin de prendre un taxi ou d’attendre le métro ou le Noctilien, tu fais 100m et t’es chez toi.
    3- Ambiance Bisounours Land
    L’ambiance n’est PAS du tout à la compétition. L’entraide est généralisée, et toute la promo est en général soudée. Par exemple, les débats politiques ne virent que très très rarement à l’empoignade, et même les élections syndicales se passent en tout bien toute honneur. On arrache pas les affiches des autres, on partage les espaces d’affichage d’ailleurs. Et quand c’est fini, c’est InterZaide, MET, UNEF et SUD au pub pour boire un verre et débriefer en se marrant. Enfin certains prennent la grosse tête, mais ils sont en général vite remis à leur place.
    4- Nos amis l’administration
    J’ai souvent l’impression que l’admin est plus ou moins vue à Paris comme l’ennemie n°1 de tout étudiant. Ici c’est l’inverse, on a une relation très chaleureuse avec eux. Ils sont une petite équipe sympa qui nous écoute, et tente plus ou moins de nous prévenir à l’avance des changements qui arrivent.
    5- Le MiniCrit, c’est juste énorme.
    Vous n’y faites pas honneur je trouve dans l’article, pour un Déloc, c’est juste un moment magique dans l’année, où environ 600 personnes se retrouvent en tant que potes et ennemis loyaux, jamais de bagarre, on se crache pas à la gueule, même si on fait semblant pour le fun et l’amusement. C’est vraiment un grand moment. Et puis pour les parisiens, au moins vous n’allez pas y entendre : Tous Unis Contre Paris, vu qu’au MiniCrit c’est Tous Unis Contre Nancy 🙂 (allez les boches, vous savez que je blague, bisous ;-] ).

    Et puis, niveau scolaire, les délocs ne sont pas non plus les parents pauvres de Paris, on a de très bon profs, que ce soit des gens du coin (les meilleurs des Universités de la région) où des Turbo-profs parisiens qui font l’aller retour en TGV (ou bien les cours en Visio… mais bon à Paris aussi, et c’est plutôt chiant qu’autre chose). D’ailleurs, les résultats des délocs sont souvent (pas tous les ans) supérieurs à ceux de Paris.

    Enfin bon, les délocs, la province, les régions, etc. c’est bon, mangez-en.

    A bientôt Paris… si je trouve un appart…

    Tut.

  • Clown

    Vous sous estimez l’importance des langues, caractéristique essentielle de ces campus : il existe un programme entièrement en anglais sur presque tous les campus, et il s’agit de l’unique langue d’enseignement pour certains (Reims, Le Havre). L’enseignement des langues étrangères est intensif : au Havre ce sont 6 heures hebdomadaires qui sont consacrées à la langue asiatique choisie.

  • Rim

    Petite correction dans le premier paragraphe aussi : on est les mentonnais et non les « mentonasques » ! Cet article est une très bonne initiative en passant !
    P.S : Allez les Veeeeerts 😀

  • Antoine

    Petite remarque sur le dernier paragraphe: le nom original était « Sciences Po National Tour », mais l’administration a refusé que l’on utilise la marque déposée et overcopyrightée « Sciences Po », donc nous avons changé le nom en essayant de rester au plus proche. Du coup le nom est devenu « BDE Sciences Po National Tour ».