Le résumé politique international de l’été – Partie 2, le monde

Savoir parler de la politique française c’est bien. Mais à Sciences Po, ne négligez pas l’actualité politique internationale. Vous l’avez-vous-même très certainement rabâché dans votre lettre de motivation et votre oral d’entrée : vous vouliez aller à Sciences Po « parce que c’est une école tournée vers l’extérieur, aussi bien par la présence d’étudiants sur les campus, que par les cours proposés et la troisième année à l’étranger ». Alors pour être fidèle à vos déclarations et être au point en Institutions politiques, en Politique comparée ou en Espace mondial, lisez ce deuxième épisode du résumé politique de l’été, cette fois au niveau international.

Un nouveau locataire au 10 Downing Street

               Elle l’avait annoncé le 24 mai dernier, Theresa May a quitté ses fonctions de chef du Parti conservateur – et donc de Première Ministre – le 7 juin, en continuant toutefois d’assurer les affaires courantes jusqu’à la nomination d’un successeur. Sans grande surprise, les adhérents du Parti conservateur ont largement conduit Boris Johnson à la tête des tories le 23 juillet, à hauteur de 66% des votes. L’ancien maire de Londres et secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères dans le gouvernement May a, dès le lendemain, été investi comme Premier Ministre par la Reine.

               Malgré la motivation dont il a fait montre lors de sa première allocution, Boris Johnson n’arrive pas dans une position évidente. Celui qui fut aux premières lignes de la campagne pro-Brexit en 2016 souhaite coûte que coûte que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) s’effectue le 31 octobre prochain, comme prévu. Et ce, même s’il n’y a pas d’accord entre l’Europe des Vingt-Sept et les Britanniques. Or la Chambre des Communes reste divisée autour du « backstop », ce filet de sécurité proposée par l’UE pour conserver une frontière ouverte entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord et sur laquelle elle refuse de revenir. Cette clause de sauvegarde a en effet été rejetée à trois reprises, notamment en raison du vote défavorable des Brexiters du parti Conservateur – Boris Johnson compris – et des unionistes nord irlandais.

Pour accomplir sa promesse, le nouveau Premier Ministre a assuré vouloir « réconcilier » les conservateurs. Durant sa campagne, Johnson a fait savoir que sa personnalité saurait l’aider dans cette mission. A l’inverse de Theresa May, studieuse et obstinée, lui est brouillon, fantasque et dynamique. Un personnage qui n’est pas sans rappeler un certain Donald Trump, tant sur le plan capillaire que sur la stratégie populiste. L’ancien maire de Londres est en effet bien connu pour son euroscepticisme et son franc-parler. Si le Royaume-Uni quitte l’UE sans accord, il sera presque sûr de trouver du réconfort aux côtés des Etats-Unis : « On a beaucoup discuté et on va passer rapidement un très grand accord commercial, plus grand qu’il n’y en ait jamais eu », a ainsi lancé le Président américain lors du G7 de Biarritz. Pourtant, il semblerait que Boris Johnson ait privilégié une autre stratégie (qui pourrait bien se retourner contre lui…). Le 28 août, il a en effet annoncé qu’il suspendrait le Parlement du 10 septembre au 14 octobre, limitant ainsi les débats et votes sur une sortie avec accord. Le chef de l’opposition, Jeremy Corbyn, a dénoncé un « abus de pouvoir sans précédent et anti-démocratique ». Mais c’est mardi 3 septembre que Boris Johnson a perdu son bras de fer. D’abord dans l’après-midi déjà, lorsque le député conservateur Phillip Lee a rejoint les rangs de l’opposition libérale-démocrate, faisant perdre sa majorité au Premier Ministre. Puis dans la soirée, quand la Chambre des Communes a voté une motion (328 contre 301) visant à obtenir un débat – qui doit donc se tenir aujourd’hui – sur le report du Brexit. Dans la foulée, le chef des Tories a annoncé le dépôt d’une motion de censure. Celle-ci sera également examinée dans la journée et devra recueillir deux tiers des voix. Mais rien n’est gagné pour Boris Johnson : Jeremy Corbyn a déclaré qu’il ne soutiendrait cette motion que si la solution du « no deal » était éliminée. La crise politique n’est donc pas terminée au Royaume-Uni !

NDLR : la situation évoluant rapidement, nous tenons à signaler que cet article a été écrit le 3 septembre dans la nuit et a été publié le 4 septembre au matin.

Italie : la fin d’un cycle

               Alors qu’avec l’arrivée de Boris Johnson à la tête du Parti conservateur le club des populistes au pouvoir parait s’agrandir, il semblerait qu’il n’en soit rien. Le gouvernement populiste italien a en effet sauté en éclats. Matteo Salvini (Ligue du Nord), désormais ex-ministre de l’Intérieur et ex-vice-Premier Ministre, a décrété le 8 août la chute de la coalition gouvernementale entre son parti et le Mouvement Cinq Etoiles (M5S). La fin de cette alliance arrive au terme d’une série de divergences sur l’imposition d’une flat tax, la politique migratoire et la ligne de TGV reliant Lyon à Turin. Or, sans cette coalition, difficile de faire passer des lois à la Chambre des députés puisqu’aucun parti ne dispose de majorité absolue : 220 sièges pour le M5S, 123 pour la Ligue. Fort des 34% de voix obtenues par la Ligue lors des élections européennes de mai dernier, Matteo Salvini a alors réclamé des élections législatives anticipées à la suite de la chute de la coalition.

Finalement, il semblerait que l’homme fort du parti d’extrême droite ait perdu son pari. Le chef d’Etat, Sergio Mattarella, seul à pouvoir dissoudre le Parlement, refuse d’organiser ces élections qui, d’après la Constitution italienne se tiendraient entre cinquante et soixante-dix jours après la dissolution, soit en pleine période de préparation du budget. Et si le Premier Ministre, Giuseppe Conte (M5S) a remis sa démission le 20 août, le Président italien l’a chargé, neuf jours plus tard, de former un nouveau gouvernement avec le Parti Démocratique (PD). Cette décision arrive au terme de discussions entre le M5S et le PD, bien qu’au sein du parti d’extrême gauche, certains soient sceptiques à l’idée de s’allier au parti de l’ancien Premier Ministre Matteo Renzi.

Donald Trump, égal à lui-même

               Outre-Atlantique, on peut dire que Donald Trump n’a pas changé ses habitudes cet été. Le Président américain s’est à nouveau fait remarquer pour ses polémiques, ses désaccords et les conflits dans lesquels il est empêtré.

               Avec la Chine d’abord, une de ses cibles favorites depuis sa campagne en 2016. La guerre commerciale, qui perdure depuis plus d’un an, a connu un nouveau pic cet été. Malgré une relative trêve, Donald Trump annonçait le 5 mai dernier une hausse des droits de douane sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises, effectives dès le 10 mai. En représailles, Xi Jinping annonçait que 60 milliards de dollars de produits américains seraient taxés. Vient alors un décret signé par le Président américain le 15 mai interdisant aux entreprises de télécoms américaines de se fournir en équipements auprès d’entreprises jugées à risque, Huawei en première ligne. Cela faisait déjà plusieurs mois que Donald Trump soupçonnait l’entreprise chinoise d’espionnage au profit de Pékin. Si les négociations reprennent entre les deux pays au début de l’été, Washington ne tarde pas, le 1er août, à annoncer des droits de douane supplémentaires de 10% sur 300 milliards de dollars d’importations chinoises que la Maison Blanche avait jusque-là épargnées. La raison : la Chine ne respecterait pas ses engagements d’achats de produits agricoles américains. Ni une ni deux, Xi Jinping suspend la quasi-totalité de ses achats agricoles. Dans le même temps, Pékin dévalue sa monnaie pour relancer ses exportations. Le 23 août, la Chine poursuit ses menaces et annonce sa volonté d’imposer de nouveaux droits de douane sur 75 milliards de dollars d’importations américaines ainsi que des tarifs douaniers sur les automobiles (à hauteur de 25%) et pièces automobiles américaines (à hauteur de 5%). Mais alors qu’une entente semblait impossible entre les deux premières puissances mondiales, le Président américain a assuré en marge du G7 que les négociations avec la Chine n’avaient « jamais été aussi significatives ». Affaire à suivre…

               Donald Trump n’a pas été tendre non plus avec le Danemark. Figurez-vous que le locataire du Bureau Ovale n’a eu d’autre idée que de vouloir acheter le Groenland ! C’est ce que révèle le Wall Street Journal le 16 août, affirmant que l’ancien magnat de l’immobilier en aurait émis le souhait en privé à plusieurs reprises. Mais il y a quand même un léger souci dans l’histoire. Oui, comme vous le savez, le Groenland appartient au Danemark et « n’est pas à vendre » comme l’a fait remarquer le gouvernement groenlandais. Dans un humour qui peut en laisser plus d’un dubitatif, le Président américain a alors déclaré sur Twitter qu’il « ne ferai[t] pas ça au Groenland », en illustrant son message d’une Trump Tower sur les terres de l’île. Cependant, vexé par la Première Ministre danoise jugeant son idée « absurde », Donald Trump a annulé sa visite à Copenhague, prévue en septembre. Si la volonté du Président américain peut paraître surprenante, il ne s’agit pas de la première fois que les Etats-Unis formulent un tel souhait, qui rappelle l’acquisition  de l’acquisition de l’Alaska en 1867. L’offre pourrait donc prendre un caractère sérieux, d’autant plus que les Américains disposent d’une base de l’US Air Force au nord du Groenland. Dans le Wall Street Journal, les conseillers économiques du Président parlent aussi d’une « opportunité économique ». Grâce notamment à ses minerais et aux nouvelles routes maritimes qui se dégagent avec la fonte des glaces. Mais outre le refus des autorités danoises, un autre obstacle vient s’ajouter au souhait de Trump. Depuis plusieurs années, le Groenland a en effet entamé un processus d’autonomisation qui pourrait le conduire à l’indépendance. En 2008, un référendum a ainsi donné 75,5% de voix favorables à l’autonomie renforcée. En cas d’indépendance, les velléités américaines pourraient alors être très mal perçues par les Groenlandais.

               Enfin, épisode plus sombre de cet été américain, les deux fusillades dans un Walmart d’El Paso (Texas) et dans un quartier animé de Dayton (Ohio) ont fait 31 morts les 3 et 4 août derniers. Lors de son adresse à la nation le 5 août, le Président américain a appelé à condamner « le racisme, le sectarisme et le suprémacisme blanc » – le tueur d’El Paso ayant reconnu vouloir toucher des Mexicains – et a qualifié ces tueries de « crimes contre l’humanité ». Mais il a aussi parlé de la ville de Toledo (Ohio) au lieu de celle de Dayton en adressant ses prières aux victimes et leurs familles. Une erreur qui a eu du mal à passer après un tel drame. Le député de la 13ème circonscription de l’Ohio et candidat aux primaires démocrates, Tim Ryan, a ainsi tweeté : « Toledo. Fck me ». D’autre part, Trump n’a pas été le bienvenu dans les villes endeuillées, que ce soit par les manifestants hostiles à un Président accusé d’attiser la haine, que par les maires. La polémique suscitée par le comportement de Trump ne s’arrête pas là. A El Paso, il a provoqué de nombreuses critiques après avoir posé, en compagnie de son épouse, le sourire jusqu’aux oreilles et le pouce levé avec un bébé orphelin ayant perdu ses parents dans la fusillade. Une scène qui a indigné personnalités et anonymes sur les réseaux sociaux.

Un G7 qui répond aux crises ?

               Centre-ville bouclé, plage interdite, parkings souterrains vides, gares fermées, aéroport monopolisé : en deux jours la ville de Biarritz est devenue un véritable bunker. En cause, l’organisation du G7 dans la ville basque du 24 au 26 août. Pour faire face à la menace terroriste et limiter les possibles débordements des black blocks et Gilets Jaunes réunis pour un contre-sommet dans le Pays Basque espagnol, 13 200 policiers et gendarmes ont été mobilisés. L’armée, plusieurs unités spéciales et les services de sécurité étrangers sont également venus en renfort. S’il y a eu quelques manifestations, notamment celle de Bayonne où des militants écologistes ont brandi des portraits retournés d’Emmanuel Macron dimanche 25 août et critiqué son comportement à l’international sur l’environnement, le G7 s’est déroulé sans encombre.

               Au travers des incendies qui ravagent la forêt amazonienne, l’environnement a été l’un des sujets au cœur de ce sommet. En amont de la rencontre des sept Etats, le Président français avait annoncé qu’il souhaitait sauver ce « bien commun » et « investir pour lutter contre ces feux ». Au terme du G7, les délégations se sont accordées sur une enveloppe de 20 millions de dollars destinée principalement à l’envoi de bombardiers d’eau. Macron, qui a également rencontré le chef indien Raoni à l’issue du G7, a également annoncé l’apport d’un soutien militaire français en Amazonie. Le sommet a enfin permis aux sept pays de réfléchir à une aide à la reforestation qui sera présentée à l’assemblée générale de l’ONU en septembre. Cependant, ce G7 a aussi été l’occasion de faire éclater quelques tensions entre le Président français et le chef d’Etat brésilien, Jair Bolsonaro. Déjà, le 25 août, Emmanuel Macron accusait son homologue d’avoir « menti » sur ses engagements écologiques. En l’état, le locataire de l’Elysée s’est alors dit opposé au traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Du côté brésilien, le Président, après avoir tenu des propos offensants contre Brigitte Macron, a annoncé qu’il refusait l’aide financière proposée par les Etats du G7. Avant de finalement l’accepter le lendemain. Le 28 août, le chef d’Etat a même signé un décret interdisant les brûlis agricoles – en grande partie responsables des incendies – pour une durée de soixante jours.

               La question du nucléaire iranien a elle aussi été un moment clé de ce G7. Invité surprise du sommet, le Ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif a atterri le 25 août à l’aéroport de Biarritz pour rencontrer son homologue français, Jean-Yves Le Drian, avec qui il avait déjà échangé quelques jours plus tôt à Paris. Le Quai d’Orsay est en effet très mobilisé pour trouver une solution à la crise provoquée par la sortie des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien en 2018 et par le rétablissement des sanctions américains à l’encontre de l’Iran. Signé en 2015 par le groupe E3/UE+3 (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, avec la coordination de l’Union européenne) et l’Iran, ce texte prévoit l’interdiction, pour les Iraniens, de se doter de l’arme nucléaire, en échange de la levée des sanctions économiques auxquelles le pays faisait face. Or l’Iran dépasse désormais les stocks d’uranium prévus par l’accord. Si Donald Trump n’a pas souhaité rencontrer Mohammad Javad Zarif lors du G7, Emmanuel Macron a indiqué que la venue du ministre iranien avait permis de négocier les « conditions d’une rencontre et donc d’un accord ». Le président américain ne s’y est pas dit opposé mais n’a pas montré un enthousiasme flagrant à l’idée d’une telle entrevue. Ce qui a pris l’apparence d’un coup d’état diplomatique ne pourrait en fait être qu’un nouvel échec dans les tentatives de réconciliation. D’autant plus que les autres pays européens sont peu engagés dans les discussions – faute de gouvernements fragilisés, en Allemagne et au Royaume-Uni notamment – et que le chef de la diplomatie iranienne a appelé Washington à « faire le premier pas en levant toutes les sanctions ».

Le G7 a enfin été l’occasion pour Emmanuel Macron et Donald Trump de trouver une solution sur les désaccords engendrés par la taxe GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) en France, adoptée par le Parlement en juillet dernier. A partir du 1er octobre prochain, ces géants du web seront désormais taxés sur leur chiffre d’affaires, à hauteur de 3%. Refusant qu’un pays étranger puisse taxer des firmes américaines, Donald Trump avait alors menacé d’imposer une taxe sur le vin français. Après avoir discuté à Biarritz, les deux chefs d’Etats semblent avoir trouvé un terrain d’entente. En faisant référence à une taxe internationale sur les GAFA qui devrait être négociée en 2020 dans le cadre de l’OCDE, Emmanuel Macron a déclaré devant la presse : « Le jour où on a cette fiscalité internationale, la France supprime tout projet de taxe. (…) Et tout ce qui a été payé au titre de cette taxe sera déduit de cette taxe internationale ».

Lucie Dupressoir