L’École de journalisme de Sciences-Po

Jeudi 12 Juin, environ une trentaine d’élèves sont venus assister à la présentation de l’École de journalisme de Sciences-Po organisée par Bernard Volker, directeur adjoint de l’École depuis 2004. Bernard Volker a commencé par une présentation des deux années scolaires de l’École de journalisme, avant de répondre aux nombreuses questions des élèves.

EDIT : retrouvez ici l’interview d’une élève de l’école réalisée en janvier 2007

Les deux années de scolarité :

Pendant la 1e année, les études sont organisées en 4 périodes de 7 semaines, soit 672 heures de cours dans l’année. Au début de l’année, 3 semaines sont dédiées à l’intégration des étudiants, qui sont alors formés à l’usage de caméra et du magnétophone Nagra, ainsi qu’à divers logiciel de montage. Au 117 boulevard Saint germain, là où se trouve l’École, les étudiants sont également initiés aux techniques de recherche, d’écriture. Enfin, des visites de presse régionale sont organisées.

Pour ce qui est des cours, les étudiants suivent 112h de conférence de rédaction par an. Les cours magistraux (224h par an), tenus par des enseignants chercheurs de Sciences-Po, portent sur la politique mondiale, la vie politique française, la justice et l’économie.
Les après-midi sont consacrées aux travaux pratiques dans les domaines de la TV, du multimédia, de la radio et de la presse écrite.

Des ateliers spécialisés sont aussi prévus : formation à l’écriture d’agence, cours de journalisme anglais, initiation aux standards du journalisme anglo-saxon. Les étudiants peuvent suivre des cours du style cours Florent afin d’apprendre à placer leur voix s’ils se destinent à la radio ou à la TV.
Enfin, des professionnels viennent 1 fois par mois parler de leur expérience.

Au début de l’année, est organisé un voyage d’une semaine au moins à l’étranger, ce qui permet de découvrir un pays sous l’angle de sa presse locale. C’est ainsi que nos étudiants se sont déjà rendus en Pologne, en Israël et au Maroc. Par ailleurs, un stage d’une semaine d’observation doit être effectué dans une PME en France (pour compléter le volet économique) ainsi qu’un stage d’une semaine dans un commissariat ou un tribunal (volet juridique).

La 2e année est plus différente. On doit se déterminer entre la presse écrite, la radio ou la TV. Les étudiants suivent également 672 h par an. Une mineure multimédia est obligatoire tout au long de l’année.
Des journées entières sont consacrées à la fabrication d’un journal quotidien écrit, télévisé ou radiodiffusé dans la salle de rédaction vers 18h. Les étudiants suivent des cours d’interview ou de présentation en plateau, de flash infos, des ateliers d’écriture, de reportage, d’enquêtes et d’élaboration en équipe de reportages au long cours (les reportages TV pouvant aller de 5 minutes à 1/2h).
Les enseignements spécialisés concernent l’écriture multimédia, un atelier « migration », avec pour support Internet (cet atelier est organisé parallèlement à la Medill school of journalism de Northwestern University et consiste en une approche comparée France/Etats-Unis ; les travaux des étudiants vont alors sur le site de l’université de Medill), un atelier d’écriture créative, et un atelier blog.

Les étudiants peuvent passer le troisième semestre de leur cursus à l’étranger, dans une grande école de journalisme: NY University, Missouri School of Journalisme, University of North Carolina, University of Sidney, Hong Kong university, Universidad Rey Juan Carlos de Madrid… Récemment, un double diplôme avec la journalism school de l’université de Columbia a été créé. Il permet de passer un an à l’école de Journalisme de Sciences-Po, puis un an à Columbia. Un stage de 7 semaines est obligatoire dans une université de journalisme international ou dans une rédaction étrangère.
Les étudiants doivent suivre au moins 3 des 4 périodes de cours sur toute l’année. Ainsi l’une des périodes peut être consacré à un stage dans une entreprise de média.

Certains journaux proposent un travail en apprentissage. Il est alors possible de travailler une semaine à la rédaction, une autre à l’école. C’est un peu à la carte selon le media. Cet apprentissage est financé ; de plus des bourses peuvent être attribuées.

Enfin, sachez qu’une maîtrise de l’anglais est indispensable, une bonne partie des cours se déroulant dans cette langue.

Le recrutement :

Tous les élèves ne viennent pas de Sciences-po. 40 étudiants sont recrutés par an, dont 1/3 de Sciences-Po, 1/3 du concours ouvert à l’extérieur, et 1/3 en provenance d’universités étrangères.
Il y a environ 400 candidats pour les 13 places extérieures, mais un bon nombre ne sont pas réellement motivés. On arrive donc facilement à 200 étudiants pour l’oral. Les candidats issus de Sciences-po sont entre 50 et 80 chaque année.
Les étrangers sont recrutés par dossier, puis par un entretien par Skype ou par téléphone. Il arrive parfois qu’il n’y ait pas de candidats suffisamment intéressants à l’étranger, ce qui fait plus de place pour les autres.
Le concours externe est ouvert à n’importe qui. Cette année une centralienne a été recrutée, des étudiants d’HEC, d’autres ayant abandonné une licence, sortant de Normale…et les « petits malins » qui ne pouvant pas entrer par Sciences-po s’inscrivent dans une université étrangère et au bout de 2, 3 ans se présentent comme étudiants étrangers.

40 étudiants admis est le seuil maximum, en fait on est entre 38,35, et 37 pour l’année dernière.
Un conseil : au moment du dossier, il faut avoir absolument lu les journaux tous les jours, à raison d’au moins 1 journal par jour, afin de connaître l’actualité et avoir une vraie culture journalistique. Vous devez également savoir vous exprimer et défendre vos opinions, notamment si vous allez à l’encontre de la pensée dominante (ce qu’on apprécie).

Questions des élèves de Sciences-Po :

Comment se passe l’entretien pour un étudiant de Sciences-Po ?
Une fois votre dossier reçu et examiné, vous passez un entretien avec un jury (2 journalistes et une personne de la direction). On vous demandera si vous avez lu le journal ce matin, et de nous donner votre avis sur les querelles internes du PS par exemple. Vous devrez répondre à ce type de questions : « Bush a t-il eu raison d’envahir l’Iran ? » , « Chavez soutient-il les Farcs », « Combien de soldats français il y a-t-il en Afghanistan? ».

Que faut-il valoriser dans notre dossier ?
Prouvez que vous avez écrit un article, que vous avez fait un stage. Le mieux, c’est d’avoir fait acte de candidature dans différents journaux et un petit stage dans un journal en province ou dans une radio locale. Toute activité d’ordre journalistique sera valorisée. Tout travail, il vaut mieux l’apporter plutôt que de l’évoquer par écrit, même s’il s’agit d’un article sur l’élevage des golden retrievers ! Vous pouvez aussi apporter une lettre de lecteur où vous auriez contesté un article ou donné votre point de vue, si elle a été publiée.

Pouvez-vous parler du double diplôme avec Columbia ?
Ce double diplôme n’a pas encore été signé dans les formes officielles (cérémonie) donc les informations sont encore insuffisantes. Le jury sera mixte, c’est-à-dire composé de professionnels de Sciences-Po et de Columbia. 10 élèves, 5 à Paris, 5 à New York, seront sélectionnés pendant la 1e année de Master. Ils seront recrutés par Dossier et par entretien, par téléphone ou Skype si on est à l’étranger, dès le mois de juin.

Pourquoi l’École de journalisme de Sciences-Po n’est-elle pas encore reconnue ?
La commission nationale pour l’emploi des journalistes professionnels a modifié les critères de reconnaissance, car il existe trop d’écoles de journalisme. En ce moment, 11 ou 12 sont candidates à la reconnaissance. La moitié des membres de cette commission est composée de salariés, l’autre moitié d’employeurs. Le but est de diminuer le nombre de diplômés pour éviter le chômage. C’est pourquoi on commence par tenter de diminuer le nombre d’écoles de journalisme. Notre dossier est déposé depuis un an, faisant acte de candidature. Or, l’une des conditions pour être une école reconnue c’est que 2 promotions sorties soient installées sur le marché du travail.
La reconnaissance sert à avoir immédiatement la carte de presse, une fois qu’on est recruté. Si on ne sort pas d’une école reconnue, on a une carte de presse « stagiaire ». De plus, si on est diplômé d’une école reconnue, on peut faire un stage dans un organisme public (RFI RFO, France Inter…) Néanmoins, depuis la création de l’école de journalisme de Sciences-po, cet obstacle ne se pose plus : le DRH de Radio France et d’autres organismes publics acceptent les stagiaires de notre école de journalisme. Pour ma part, ça fait plusieurs années que j’ai ma carte de presse, mais on a dû me la demander seulement une dizaine de fois !

Quels sont les secteurs de presse qui recrutent le plus ?
France 24 a beaucoup employé l’année dernière. L’audiovisuel est très porteur en ce moment. Environ 90 à 95% des étudiants sont employés dans ce secteur. La plupart sont employés dans de nouveaux médias, la TNT, Direct 8.

Tous les journalistes ne sont pas passés par une école. Quels sont les avantages d’une école de journalisme ?
Moi-même ne suis pas passé par une école. Disons que la formation de Sciences-po donne une culture généraliste. Or, un employeur prendra toujours le journaliste le mieux formé, vu le peu de places sur le marché du travail. De plus pour écrire un bon article, il faut avoir une bonne connaissance de l’actualité, et pas forcément de l’actualité immédiate. Il faut savoir tout ce qui se cache derrière un événement, tout ce qui s’est produit avant, connaître le contexte historique, le concept de globalisation, les modifications des frontières en Europe, l’émergence de nouveaux pays…
L’école de journalisme de Sciences-po donne une très bonne formation de base qui permet qu’on ne dise pas de bêtises dans un article, enfin j’espère !

Il y a-t-il une présélection avant l’entretien ?
On élimine certains dossiers notamment s’il y a méconnaissance de l’anglais, ou si la motivation ne paraît pas claire (si le journalisme n’est pas la motivation première).

Pourquoi l’École de journalisme de Sciences-Po serait-elle meilleure qu’une autre ?
Il suffit de comparer le coût de scolarité, le matériel dont on dispose, le studio TV et radio à ceux des autres écoles. De plus, on est à Paris, ce qui nous permet d’avoir une liste de professeurs qu’aucune école de journalisme n’a en France. Toutes les grandes rédactions en France sont situées à Paris. À Lille, à Strasbourg, le directeur du Figaro pourra moins facilement venir faire une intervention qu’à Paris. Par ailleurs, nous avons le meilleur caméraman de TF1 qui fait un atelier de reportage long à l’école. Le rédacteur en chef de France 2 y donne des cours…

Faut-il être spécialisé dans une zone géographique ou être polyvalent ?
Oui, c’est mieux d’être spécialisé, mais pas forcément géographiquement. Cela dit, une bonne connaissance de la Chine ou de l’Amérique du sud, par exemple, sera appréciée. Pour trouver du travail, il vaut mieux être spécialisé d’une manière générale. Nous avons besoin de journalistes particulièrement dans le domaine de l’économie. Les spécialistes de la Chine, de la Russie, du Proche Orient, tout ce qui est pays émergent seront valorisés.

Si vous souhaitez poser d’autres questions à l’interlocuteur, vous pouvez le contacter par mail : bernard.volker@sciences-po.fr

7 Comments

  • Mauvaise langue mal léchée

    Ah oui, ce truc bricolé dans l’urgence, la sueur et les larmes pour pallier aux tsunami de défections (la faute au discours ambiant catastrophiste sur l’état de la presse écrite ?)…

    Il serait intéressant de savoir ce qu’il en est dans les autres écoles du reste.

  • say

    mauvaise langue compléments d’information… l’an prochain il y aura une 15aine d’étudiants en double majeure radio/presse écrite

  • Compléments d'information

    "Les cours magistraux (224h par an), tenus par des enseignants chercheurs de Sciences-Po, portent sur la politique mondiale, la vie politique française, la justice et l’économie."

    Uniquement sanctionnés par la présence en cours et un oral de vingt minutes à la fin de l’année…

    "Enfin, des professionnels viennent 1 fois par mois parler de leur expérience."

    Tel Jean-Pierre Elkabbach…

    "un stage d’une semaine d’observation doit être effectué dans une PME en France"

    Organisé en partenariat avec le MEDEF.

    "La 2e année est plus différente. On doit se déterminer entre la presse écrite, la radio ou la TV."

    Deux étudiants sur 37 en presse-écrite l’an prochain…

    "Certains journaux proposent un travail en apprentissage."

    En fait surtout des chaînes de télévision.

    "Une fois votre dossier reçu et examiné, vous passez un entretien avec un jury (2 journalistes et une personne de la direction). "

    Avec l’habituel système du gentil et du méchant flic.

    "si vous allez à l’encontre de la pensée dominante (ce qu’on apprécie)."

    Mouarf.