Harry Potter 7.5, étendard du Blockbuster consensuel

225278id1g_HP7_27x40_1Sheet.inddIl est déjà absolument intolérable d’avoir à écrire une critique quelle qu’elle soit, mais il est plus que scandaleux encore d’entreprendre une critique des films Harry Potter. Car ils ont ceci en commun avec Jésus Christ et le beurre salé que le jugement qu’on porte sur eux est infiniment dépendant de facteurs extérieurs à eux-mêmes . Selon qu’on a lu ou non le livre, qu’on le considère comme saint ou qu’on accepte l’émancipation du film, qu’on rêve d’action ou d’émotion, qu’on a mangé une pintade bourguignonne avant le film ou qu’on va le voir au réveil, l’opinion qu’on en a est avec ces films plus que jamais diamétralement opposée d’un individu à l’autre.

Le battage médiatique qui a entouré la sortie de Harry Potter and the deathly hallows part 1 a de quoi faire trembler plus d’une fois Joseph Goebbels dans sa tombe. Ca tombe bien, car l’univers que décrit ce très sombre volet de la saga est justement celui d’une Angleterre qui tombe sous le joug de la très noire armée de l’homme dont on se fout de prononcer le nom puisqu’il n’existe pas, Lord Voldemort (libre à chacun de se demander d’où ce crétin tient son titre de noblesse). Une armée de Mangemorts qui, après avoir probablement zigouillé un ou deux Aurors au cours d’une bataille secrète, prend vite le contrôle du ministère de la magie et soumet le pays au diktat intransigeant de la persécution des affreux moldus, des sorciers impurs, et d’Harry Potter lui même. Bref, des victimes tout de même loin d’être innocentes. Dans cette atmosphère peu printanière, nos trois camarades de classe habituels partent seuls à la chasse au Horcruxes, ces objets dans lesquels Voldemort a jugé bon de laisser un morceau de son âme qui lui permettrait de revivre si par inadvertance il était tué. Le but des jeunes sorciers est de détruire ces bouts d’âmes pour s’assurer qu’une fois Voldemort ad patres, il pourront couler des jours tranquilles dans un ranch écossais. Le film se résume globalement à cette maigre intrigue.

On a fait un foin démoniaque autour d’une réalisation tranchant avec les films précédents, et donnant enfin une vraie carrure au film Harry Potter. Mais au vu du film, on est plutôt tenté de considérer que si il apparaît en effet assez différent, c’est parce que le livre lui même, dans sa première partie, tranche nettement avec les habituels premiers semestres entre potes à Poudlard. D’où une ambiance certes originale, mais qui provient des spécificités du livre. Car pour le reste, rien de bien nouveau mon capitaine. Même réalisateur, David Yates, même fidélité religieuse au livre tout en en zappant une partie, mêmes scènes d’actions minables et mal amenées, même dose d’humour qui gâche l’horreur et d’horreur qui gâche l’humour, et malgré tout même capacité à nous faire plonger dans son univers grâce à la magie de la magie.

L’ennui avec ce volet, c’est que la première moitié du livre qu’il traite était elle même creuse, lente, et se résumait généralement à des enfilades de pages où Harry, Hermione, et Ron campaient entre deux séquoïas en attendant qu’un horcruxe vienne frapper à la porte de la tente. Et de ce point de vue là, force est d’avouer que le film retranscrit assez efficacement l’ambiance peu woodstockienne de la vie des trois jeunots, pris entre leur absence de repères, leur sentiment d’impuissance et de léthargie permanente, et les tensions amicales et conjugales qui en résultent. On se laisse naïvement emporter par les émotions de ces trois lycéens pommés, qui ont les chocottes dès qu’ils entendent une épine de pin dire un mot plus haut que l’autre, mais loin d’être des chochottes, se remuent quand même le derrière à coup de baguette de pin pour trouver et casser leur horcruxe tout en échappant aux miliciens puants qui leur courent après.

harry-potter-deathly-hallows-poster-promo.jpgL’ambiance dramatiquement sombre de la période est aussi très réussie, hélas trop. Certes la tension passe très bien et la noirceur de cette Angleterre maléfique est joliment transmise, mais le coté «on dénonce le méchant fascisme» est parfois lourdaud. Certaines analogies sont bien trouvées et assez fines, mais c’est tout juste si on ne colle pas une moustache noire à Dolorès Ombrage pour bien nous faire saisir qu’on dénonce le fascisme, au cas où ça ne serait pas encore venu à l’idée des spectateurs en voyant les énormes campagnes d’extermination et de propagande.

Malgré ce climat tyrannique, on apprécie toujours quelques traits d’humour essentiellement apportés par la gent rousse, dont chacun est néanmoins libre d’apprécier la nécessité en plein milieu de l’enfer. Mais les puristes diront que ça n’est là que le respect de l’univers HP. Impossible aussi d’éluder les péripéties fastidieuses de Ron pour montrer à Hermione qu’entre eux il souhaiterait qu’il y ait un peu plus qu’une accolade quotidienne autour d’un livre de sortilège. Mollardant de jalousie dès que sa mie s’approche à moins de 12 mètres d’Harry, le rouquin instaure une ambiance de rivalité qui va même le faire dégager du champs de la caméra une bonne demi-heure. Ceux qui comme moi n’ont jamais pu tolérer que ça soit ce sous-fifre de Ron qui obtienne Hermione pendant qu’Harry doit se contenter de la douteuse Ginny pourront cela dit concrétiser leur rêve une courte seconde dans un brillant cauchemar de Weasley.

Hélas, malgré cette immersion passablement réussie dans l’ambiance du livre qui fera bondir d’admiration certains, le bon vieux Yates est toujours incapable de donner de la grandeur à sa réalisation. Oui on se prend dans le film, mais celui-ci reste un défilement continu d’événements sans que jamais quelques scènes magistrales ressortent après avoir été intelligemment amenées par les précédentes. On reste dans le récit pur, juste déguisé d’une petite volonté de faire semblant qu’on fait un film épique avec quelques travelling sur de splendides plaines désertiques. Les scènes d’action, déjà rares, donnent l’impression d’être bâclées, sont confuses, moches, courtes à en être ridicules, et à peut-être une exception près tous les moments forts offrent ce sentiment d’être là pour la transposition d’un récit écrit plus que pour la création d’une grande scène de cinéma. La poursuite en balai du début, géniale dans le bouquin, est ainsi misérablement écourtée et est à peu près aussi compréhensible que le sourire de Lucius Malefoy est communicatif. A l’exception d’une magnifique séquence animée, on est donc apitoyé par une réalisation en manque criant d’identité et de «souffle épique», qui n’a de cohérence que dans le caractère terne de ses plans successifs.

Heureusement que le jeu des acteurs principaux est là pour…..ah non pardon. Passé son physique admirable, Hermione reste beaucoup trop Hermione. Certes Ron est assez bon dans le rôle du saltimbanque de service, mais honnêtement Dany Radcliffe ne vaut pas un oscar. Pas franchement mauvais, le multi-millionnaire reste d’une platitude et d’un standardisé à vous faire dire qu’il y a du romantisme dans le regard de Franck Leboeuf. On les aime toujours bien (surtout en VO), mais sans doute par habitude.

In a nutshell, c’est le bordel. Harry Potter 7 alinéa 1 s’inscrit dans la droite lignée de ses aînés, mais deux choses le rendent notablement original : d’abord le 7ème livre n’a rien a voir avec les précédents, ensuite ce film est coupé en deux, ce qui bien sûr permet mieux d’y introduire des séquences émotions et des décors seigneurs des anesques. D’où une immersion réussie qui fait qu’en y allant détendu et d’humeur clémente, on trouvera le film tout à fait prenant. Pourtant il reste ce sentiment qu’on aurait pu faire 3 fois mieux en prenant un peu de liberté, cette bien-pensance épuisante, cette focalisation sur les trois héros qui relègue au rang de figurant des personnages fascinants et magistralement interprétés comme Rogue, Bellatrix, ou même Ombrage, ces longs morceaux d’histoire éludés par le scénario, qui donnent l’impression qu’incapable de choisir une ligne particulière, Yates nous livre un «film compromis», sans angle. Pas mauvais, mais pourrait être bien meilleur. Une frustration, un peu comme si on partait un mois en Californie et qu’on ne visitait que la salle des fêtes de San Diego. Qui verra jugera.

17 Comments

  • Illustre inconnu

    Moi je pense que c’est difficile d’aller chercher des trames philosophico-politiques compliquées dans un film qui n’en a même pas la prétention. Harry Potter, films comme livres, sont des divertissements et je remercie J.K Rowling d’avoir poussé des millions d’enfants dans le monde à ouvrir des bouquins et à s’évader un peu le temps de quelques pages.

  • cléopâtre

    L’ironie cher Jules, second degré César, humour Empereur : le « masochisme » était justement pour appuyer l’amour du rédacteur quant aux bouquins, on ne lit pas 7 livres du genre si on n’aime pas.
    Sache que je n’ai jamais ouvert de Closer ni de Duhamel, non, je ne vais pas si loin, je lis seulement les BD de TinTin, ah et parfois je regarde les images de Paris Match quand je suis chez le gynéco..

  • Tullius Détritus

    C’est bien beau de se toucher sur les qualités et les défauts d’Harry Potter, mais en attendant je remarque qu’il y a une dizaine de commentaires sur cet article, et aucun sur celui qui parle du MAC/VAL (par exemple).
    On a les centres d’intérêt qu’on mérite.

  • Marc Aurèle

    Il me semblait que Cléopatre avait une image un peu plus classe.
    Pourquoi parler de « salement con » et de « bave » dans un commentaire, c’est quand même un peu violent tu ne trouves pas ? Surtout quand on parle d’un sujet aussi léger – en théorie.

  • Caligula

    Moi je trouve son analyse assez fine, et proche de ce que j’ai ressenti durant tout le film. Mais en fait tous les problèmes proviennent d’une seule source: la première partie du livre était très loin de nécessiter tout un film.

  • vous me soulez avec vos vieux pseudos antiques

    à titre personnel je pense que César, Marc-Aurèle, Brutus, Cléôpatre et Octave ne sont pas des pseudos originaux
    prenez donc : Pénichier ou SciencesPutiX ou NonoTower ou encore Emile Nike Ta Grande-tante

    enfin un truc en rapport avec le support quoi

    bref tout ça c’est super.

    la critique est bien écrite, l’auteur prend soin d’expliquer que HP c’est subjectif, donc que son avis ne fait pas dogme. Il y a juste un petit bug de style à mon goût : « Joseph Goebbels dans sa tombe. Ca tombe bien » si c’était une tentative d’humour c’est raté. parler de Joseph Goebbels ne me donne pas envi de rire et donc la répétition de « tombe » dans le nom féminin puis le verbe… bein c’est complètement raté. C’est assez fin je le reconnais, mais parler de Joseph Goebbels… border line quoi

    ceci dit, je viens de faire des lignes sur ce qui n’en prend même pas une pleine dans l’article donc bon… restons soft.

    fond et forme travaillés. j’aime et j’approuve cet article.
    mec tu devrais donner des leçons à JK 😉

    à titre personnel je trouve que JK Rowling (ou plutôt sa/son/ses traducteur(s)/trice(s)) ne mériterait-aient même pas d’écrire dans DirectMatin tellement le style est lourd et inintéressant et tellement le bouquin, à part pour la couverture FolioJunior ne vend pas du rêve. c’est mon avis de con à moi. laissez moi l’avoir.

    les films à part parce que Mademoiselle Hermione est assez jolie n’ont aucun intérêt, et voir un film parce que l’actrice number three est jolie… wouhou l’argument quoi ! j’en ai quand même vu pas mal, je sais plus lesquels. le 1 et le 4 sûr, le 2 c’est possible, ou alors le 5… bref, je n’ai pas du tout adhéré.

    en revanche ce qu’y est écrit dans l’article est blindé de sens (au mien en tout cas) : l’humour, l’horreur et l’action sont mal dosées, mal montées, mal enchainées. un peu à l’image du bouquin cela dit.
    bon, en soit le réalisateur ne s’est pas embêté à faire un vrai travail. les scénaristes et lui ont fait une fiche technique du bouquin en guise de scénario et ça à l’air de bien marcher quand on voit les entrées. mais surtout quand on voit que même notre illustre LaPéniche.Net fait un article là-dessus.

    je n’aime (puisqu’ici, Cléopâtre veut de la négation en bonne et due forme ! mais l’Egyptienne de souche Grecque excusera mes légions d’erreurs de français qui ont frappé tout ce commentaire (il doit y en avoir que je n’ai pas vu et que je ne verrai pas avec mes yeux de taupe)) ni Harry Potter en film, ni Harry Potter en bouquin, et encore moins en goodies
    je n’aime pas non plus la suite de pseudos en personnages antiques

    enfin c’est surtout la médiocrité de Jules César… garçon, quand tu sors un pseudo comme ça essaye de faire un minimum respectable quoi… mais bon, c’est un autre sujet très vaste : pourquoi les personnages historiques les plus connus sont-ils toujours détournés par des ex KikooLol qui se vantent d’être « culturés » ? (je ne te vise pas Jules César (ni lui, ni toi), mais je t’utilise pour élargir ma critique)

    allons tous joyeusement au Basile discuter de tout ça

    Pédrolito le Mexicain pas content

  • Octave

    Ce film est une sombre daube à l’instar des deux précédents opus réalisé par ce Lyssenko du septième art qu’est David Yates, point barre !

  • jules césar

    Le problème de cette analyse n’est pas qu’elle contredise mes valeurs cinématographiques (loin de là), mais qu’elle n’est pas très fine. Tu me dis qu’il est déçu de la retranscription cinématographique du livre? Je suis pas sur que se soit son avis, il semble plutôt déçu à l’origine du livre lui-même, qui a déteint sur le film. Lire les sept bouquins? Masochisme pour toi peut-être qui n’a jamais ouvert que un closer et un duhamel dans toute ta vie, mais c’est loin d’être du masochisme pour tout aimant de la littérature, du plaisir qu’elle procure et de la magie qu’elle nous fais vivre. Je te fais remarquer que je ne donne nul part mon avis sur les livres, ou le film, alors ne fait pas comme si tu me connaissais. Je critique juste la critique pas le rédacteur.
    Et c’est vraiment pénible de voir que, pour argumenter, tu te sentes obligée de faire attention à l’orthographe. T’as rien d’autre à dire?

  • Cléopâtre

    Jules César, tu me sembles salement con :
    – Bonnet aime Harry Potter : non seulement il a lu les 7 bouquins (masochisme sûrement) mais en plus il évoque bien sa déception face à la retranscription cinématographique
    – si tu n’es pas pourvu d’esprit critique et que tu as bavé lorsque tu as vu le dos d’Hermione, libre à toi mais laisse la bave couler à la place des mots si tu n’es pas capable de délivrer un soupçon d’analyse
    – la négation prend un N (on N’aime pas)
    HP reste magique c’est sûr, mais les acteurs ont grandi eux, ils pourraient jouer mieux..

  • brutus

    il me semble plutôt que l’auteur fait montre d’une certaine exigence propre à un fan inconditionnel des romans, au contraire.

  • Marc Aurèle

    Y’a quand même des remarques assez justes dans la critique, il y a des imperfections c’est vrai. Mais bon, c’est sympa d’y aller avec le même état d’esprit et la même candeur que pour le premier film quand on avait 11 ans. Alors pour ça, je trouve que l’analyse est trop terre à terre, trop matérielle, trop pratique, trop concrète, alors qu’Harry Potter c’est juste magique les enfants.

  • jules césar

    c’est sur que, si on aime pas harry potter, on aime pas harry potter
    donc merci beaucoup pour cette critique moisie, qui nous explique que tu n’aimes pas harry potter