Grazia, le buzz futile de la rentrée

00624.jpgLe magazine de la rentrée, lancé le 29 août se veut, « le premier magazine mode et people » et se targue de « réagir au vacarme de la planète avec humour, glamour ou gravité, mais toujours avec un petit pas de côté ». C’est ce qu’annonce la directrice de la rédaction, dans le tout premier édito. Arrogante entrée en matière, tout n’est pas forcément dit pour autant. Voici une petite analyse critique, qui se termine bien.

L’histoire du magazine de mode-et de son succès- se résume ainsi; la toute première édition voit le jour en 1938 en Italie, le magazine s’exporte ensuite progressivement : Grande-Bretagne, Emirats Arabes Unis, Pays-Bas, Russie, Grèce, Bulgarie, Croatie, Serbie, Australie, Inde et Chine, et il y a près de deux semaines, France; tous ont désormais la leur. La 13e edition aura t elle la chance de se vendre ici? Toujours est il qu’elle fait déjà beaucoup d’adeptes Outre-Manche, et se vend en Italie systématiquement entre 200 000 exemplaires et 300 000, score honorable lorsque là bas, comme chez nous, le choix en presse féminine est déjà large.

Le nouvel hebdomadaire, 180 pages-65 « actu » (…disons people), 55 « mode », 15 « beauté » et 20 « lifestyle »- et un format « luxe » qui prend le contre-pied des « minis » qui se glissaient dans le sac, emprunte cependant largement, dans la forme, les idées de ses concurrents. Les « 10 news de la semaine » s’apparentent aux dix infos à connaître de Gala, tandis que les pages cultures (les 10 buzz de la semaine) semblent empruntés à Glamour. La page « témoin » quant à elle, est quasi copiée sur notre Elle.
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Sur le contenu…Grazia est plutôt une bonne surprise. Les chroniques sont pointues et critiques, tant la chronique société, celle de la culture, et celle de la mode. La « people » mise plutôt sur l’ironie et nous décroche un sourire (et pourtant le magazine ne repose pas sur l’humour, loin de là). Les enquêtes (Le cannabis va-t-il sauver le Californie dans le numéro 1 et et celle du numéro 2 sur les tests ADN) sont parfaites; font le tour de la question et proposent des sujets n’étant pas nécessairement déjà surexposés. Cela fait quelque chose à lire dans la presse féminine, souvent disons, maigre sur l’intérêt des enquêtes en question. (« Votre boyfriend est-il vraiment fait pour vous » et autres 100 conseils pour, au choix, perdre 3 kilos avant l’été/ réveiller votre libido/ changer de look). Même les pages « people » ont presque l’air intelligentes comparées aux magazines qui se résument à cela: enfin, quand nous utilisons le mot « intelligent »…toujours est il que vous saurez pourquoi Annie Leibovitz est ruinée, et que – scoop combien essentiel- Kate Moss veut faire de la musique. Le dossier « société » nous regarde le nombril; « Génération Lolita 30 », et « Geek & Glam », encore une fois traîtés de façon approfondie mais sans pour autant aller plus loin que le sujet ne le permettrait, car Grazia n’ira pas philosopher sur quelque thème que ce soit.

Les pages modes tiennent leurs promesses, petit pas de côté est fait, sur les conseils, qui analysent la vogue « tradi-branchée » plus finement que les concurrents n’ont su le faire. La « fashion police » amuse par des regards croisés sur des tenues de stars, les selections ne vont cependant pas forcément plus loin que ne le font Glamour, Cosmo et autres (eh oui, cet hiver sera la dictature du clou, vous vous serez vu conseillé d’acheter les tee-shirts « Don’t Miss the Marc » par Marc Jacobs, et une veste en tweed…) Les séries de photographies de mode sont belles et même…originales…(« Attache moi » par exemple, dans le numéro 2: série ambiance sado maso fashion, pas assez osée pour faire penser à celles de l’excellent Citizen K mais tout de même très bien réalisée). Coup de coeur pour les pages d' »Easy chic radical » dans le même numéro, très esthétiques. Le mauvais point mode va aux « in10pensables de la semaine » sélection de vêtements et d’accessoires impossibles à porter pour la plupart, et quasi inabordables (pour des indispensables…) quoique après tout le choix de ne pas acheter un plastron techno-« ethic » en acier et ruban vert fluorescent reste assez subjectif et personnel.

Les pages beauté valent celles de la concurrence, cependant, il faut reconnaître qu’il semble difficile d’innover en la matière, domaine assez limité. Quoique Grazia parvient à nous conseiller de nous décolorer les sourcils (!). Innovant pour le coup.

Pour finir, les pages « lifestyle » sont distrayantes, la « déco » dans le numéro 1, qui nous fait visiter l’apartement de Chloë Sevigny est excellente et décalée, dans le numéro 2 très ennuyeuse. (Achetez ce coussin en cachemire jaune citron, 52x 52cm, inscription « rehab » noire, 1362 euros…). Les buzz culture sont à mi-chemin entre le sur-médiatisé (90210; Beverly Hills Nouvelle génération, Break Up; l’album de Scarlett Johanssen et Pete Yorn) et le moins médiatisé (Singularités d’une jeune fille blonde; film de Oliviera ou In Treatment, série qui passe…sur Orange Cinemax.)

Pour conclure, bien mauvaise langue que nous sommes, nous devons admettre que le magazine se distingue tout de même, quelque part, de l’habituelle presse féminine. Nous frôlerons peut être l’overdose de pages de modes et de conseils assimilés (qui se contredisent de l’un à l’autre, voire d’une page à l’autre. Sélectionnés: des gants noirs cloutés, mais vient la prescription fashion suivante: gants noirs interdits. Grazia proscrit la fourrure, mais vous fera acheter ce manteau en lapin imprimé panthère…) Ce sera pourtant toujours préférable à Oops en terme de contenu intellectuel, et cela se lira en disons, deux heures avec une attention soutenue- nécessaire à la critique- preuve qu’il y a bien quelque chose à lire. Grazia ne se résume donc pas à de la page à feuilleter, et même ceux qui appellent au boycott, car Grazia appartient au groupe Mondadori, qui appartient lui-même à Silvio Berlusconi (cela n’entâchant pas les propos du magazine relativement neutre), reconnaissent qu’il est « canon ». Grazia est tout de même meilleur que ses concurrents car il multiplie les fronts. Reste à voir quelle direction il prendra au fil des publications.

Illustrations: TARIFSPRESSE

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