Girly Power: requiem d’un macho

Sentez vous ce doux parfum, mélange de Chanel n° 19 et d’œstrogènes dominateurs ? Quelques jours après la semaine de reconnaissance des associations de notre vénérée institution, retour sur l’émergence du Girly Power.

girly_powersmall.jpgMon machisme en a pris un coup entre les deux glandes surrénales. Les hommes aux affaires sérieuses, les femmes au BdA ou éventuellement au poste « responsable communication », le schéma associatif de Sciences Po était simple dans ma tête. Et puis cette année, catastrophe : AS, BdA (toujours), RSP, Plug’n Play et même LaPéniche, ma douce péniche, toutes passées à l’ennemie. Garçons outragés, brisés, garçons martyrisées et filles totalement libérées, non décidemment, ma Gaule n’est plus ce qu’elle était. La marche des présidentes vers le pouvoir était lancée, le Girly Power. J’ai pris un shoot de testostérone, mes aprioris par la main et tenté de comprendre avec elles cette montée en puissance.

J’apprends d’abord que le phénomène n’est pas entièrement nouveau. Un seul président dans l’histoire du BdA, c’est un peu là que tout a commencé, une majorité de présidentes pour notre journal également, mais une première pour RSP et pour Plug’n Play. Même dans le temple de la transpiration et des troisième mi-temps qu’est l’AS (ok, ils proposent aussi des cours de stretching), la présidence s’est ouverte aux filles depuis une dizaine d’années. « Depuis qu’il y a du boulot, c’est les filles qui dirigent l’AS » dixit une ex–présidente. On serre les dents et on encaisse.

Je laisse ensuite vite tomber la théorie du complot féministe fomenté par des cercles secrets de 4A partageant la passion du vernis à ongles et de la conspiration à grande échelle. Les présidentes se connaissent, sans se fréquenter outre mesure. Pis encore, elles ne sont même pas féministes: « L’égalité homme – femme je ne militerai jamais pour ça, je n’y ai jamais pensé quand je suis devenu présidente ». Aucune symbolique de revendication dans cette prise de pouvoir donc, même si « avoir eu affaire à des connards, ça forge le caractère ». Les messieurs concernés apprécieront.

Alors pourquoi des présidentes ? « Avec des petites fleurs dans la voix, on règle beaucoup de conflits », me répond la présidente de RSP. Pour les nouvelles patronnes, être une femme est en fait définitivement un avantage. Woh woh woh, là c’est peut être un peu trop pour un seul homme. On ferme les yeux et on repense aux Pom’Putes… Ok, on reprend. Les filles ne semblent ainsi pas souffrir de problèmes d’autorité, au contraire elles mettent en confiance, évitant d’après elles les « petites gueguerres d’égos des garçons ». Après expérience, il est clair que malgré une légère difficulté à les regarder droit dans les yeux (surtout quand on vous parle 3 fois de « tension sexuelle » dans une interview), je veux bien croire qu’elles parviennent à se faire entendre parmi tous leurs vice-présidents. Oui car on oublie de le préciser, mais ce sont une majorité d’hommes qui restent maître du vice et se font martyriser pendant les réunions de staff à coups de talons aiguilles et de Gossip Girl.

L’occasion de répéter que les filles à Sciences Po occupent tout de même une place privilégiée, comparée à d’autres institutions du supérieur et d’autres environnements. « On a quand même une bien meilleure situation que les filles en Argentine où j’ai fait ma 3A ». Prends ça Maradona, le machiste qui sommeille en moi se gargarise: même si Zahia est l’entraîneuse de l’équipe de France (2 semaines de travail pour cette vanne), la condition des femmes, c’est quand même autre chose chez nous. Pour Marie, de Plug’n Play, mon experte en problématiques du genre pour l’occasion: « Une majorité d’élèves sont des filles, elles se mobilisent, comme avec Women Work . Il y a comme un sentiment que l’égalité n’est pas compliquée, la majorité d’entre nous montre quand même que les filles peuvent réussir par leur propres moyens, ça me donne de l’espoir ». Concernant l’ouverture des pots de cornichons mes espoirs sont encore minces mais enfin, les premiers échos de leurs présidences semblent en effet positifs (oui, un dernier cliché machiste pour la route).

Car après tout le peuple jugera sur leurs qualités et leurs bilans… Oui bon aussi sur le nombre de mini-jupes portées et la quantité de rouges à lèvres utilisés pour certains, car paraître reste leitmotiv à Sciences Po. Finissons sur une note optimiste: globalement peu d’entre vous ont remarqué ce Girly Power, et beaucoup trouveront ce phénomène complètement anecdotique. Et c’est peut être ça le point positif, ce que les féministes retiendront, entre deux verres au Basile tyranniquement offerts par un garçon.

8 Comments

  • Marie Pastor

    Cher non au machisme bon tein (bis),

    Pour reprendre ce qui se veut une citation de ce que j’aurais dit, « ça me donne de l’espoir » de lire ton commentaire et de sentir que dans notre école, il est possible de réfléchir encore plus loin que la condition des femmes et celle des hommes, de regarder du côté de la déconstruction des catégories féminines et masculines, de comprendre que ces catégories peuvent peser sur les individus, et d’admettre qu’elles pèsent sur certains et même sur ceux qui ne sont pas engagés dans une association qui se « distingue » sur la place qu’elle accorde aux questions de genre.
    Je crois que l’espoir, et le prochain défi pour nous qui avons la chance d’être poussés à un questionnement de pointe (grâce notamment à des moyens de réflexion et de diffusion comme La Péniche, mais aussi grâce à nos enseignements) se situe sur ce terrain-là.
    Une sorte de post-féminisme qui ne doit pas oublier ses bases, et qui fait bien de s’exprimer sur la « catégorisation ordinaire », comme tu l’as fait.

    Merci.

  • Non au machisme bon tein (bis)

    @Marie Pastor : mon commentaire a été écrit sur le coup de l’énervement et je regrette d’avoir sous-estimé l’importance des questions posées par l’auteur et des réponses que toi et d’autres y avez apporté. Disons que j’ai eu tort de jeter le bébé avec l’eau du bain. Je regrette d’autant plus que je fais moi-même partie d’une association à Sciences Po qui ne se distingue pas par sa présence féminine. Il est en effet important de chercher les raisons et d’en discuter.

    @ JMB. Je reste circonspect, en revanche, quant à la justification par « l’humour ». Certaines remarques de cet article me mettent mal à l’aise tant elles naturalisent [désolé pour le gros mot mais c’est vrai] les catégories de ce qui est perçu comme « masculin » et « féminin ». Je suis désolé, mais je ne me reconnais pas dans les « deux verres offerts tyranniquement par un garçon ». Et, lorsque ça arrive dans mon entourage, j’ai un peu de mal à en rire. Après, je suis peut-être une personne difficile à dérider…

  • Marie Pastor

    Je repasse par l’article après avoir échangé quelques mails avec son auteur et je découvre ce long commentaire.
    J’ai voulu en rédiger un, quelques heures plus tôt, et je me suis dit que j’allais d’abord passer par la voie de la messagerie privée.
    Pourquoi ? Parce que je ne me retrouve pas dans le propos, mais que je sais qu’il y en a eu un. Joseph s’est suffisamment intéressé à son sujet pour rencontrer les présidentes des assos et poser des questions qui permettaient d’aller un peu plus loin que ce que nous montre l’article.
    Lorsqu’il m’a demandé pourquoi, à mon avis, il y avait des femmes cette année à la tête de nos assos, j’ai répondu que j’espérais simplement que c’était le hasard d’une alternance qui se mettait en mouvement. Quand il m’a demandé quelles étaient les qualités spécifiques d’une présidente par opposition à un président, j’ai répondu aucune, et salué les efforts et beaux résultats de mes prédécesseurs.
    Quand il m’a demandé mon avis sur la « condition » des femmes à sciences po (c’est la partie de l’entretien que Joseph cite) je réponds, un peu surprise, que je crois que dans notre établissement nous avons la chance d’avoir de moins en moins à parler de « condition féminine », et ce parce que les femmes ont réussi à faire leurs preuves et n’ont plus à soulever leur minijupe en examen. Cette chance ne s’étend peut-être pas à la sortie de l’école et c’est là que l’association que je citais, Women Work, peut s’avérer utile.
    Donc Joseph savait tout ça, et il s’y est intéressé. Sincèrement je crois.
    Alors peut-être devons nous nous réjouir de cette forme non consensuelle qui permet à chacun de rebondir et j’appelle de mes voeux une vraie réflexion, un vrai débat, au sein de nos associations, en cours ou en individuel sur ces questions. C’est peut-être à ça que le machisme bon teint peut encore servir.

  • JMB

    Comme quoi, dépasser le premier degré, c’est vraiment quelque chose à éviter quand on touche des sujets un poil importants dans un article

    R.I.P L’humour

  • Non au machisme bon tein !

    Sous couvert d’un progressisme bon teint et caché derrière le cliché du gentil-macho-qui-aime-sa-Maman, l’auteur livre de véritables attaques misogynes. Je dis misogynes car « machistes », ça donne toujours une bonne image, celui du type un peu neuneu, victime de ses couilles. Non, la gentillesse proclamée ne suffira pas à justifier une attitude purement condescendante.

    Voilà, hasard de cette année : les assoces que citent l’auteur sont dirigées par des femmes. Au lieu d’en chercher les causes – peut-être démographiques d’ailleurs – il s’en étonne et y voit un « girly power ». Parce qu’évidemment, une femme, surtout lorsqu’elle représente le genre présent en majorité dans notre institution, ne saurait justifier sa position dominante par son talent, ses compétences, son charisme. Alors, sommées de se justifier devant ce regard inquisiteur, on sort des raisons du style « je sais encaisser les coups, je sais calmer les brutes avec le regard ». Si justement elles sortent ces raisons débiles c’est parce que la question ne les a, et peut-être à juste titre, jamais effleuré et ne font que répondre par des clichés, ceux qui circulent dans leur entourage.

    Car oui, Sciences Po reste un endroit misogyne. En Premier cycle, j’entends des gens dénoncer les moeurs légères de telle ou telle femme, mais jamais celles des hommes. Certains masters ont une image très ‘superficielle’ et comme par hasard ce sont ceux où on trouve une population à grande majorité féminine. Personne, aussi bobo qu’il soit n’en est à l’abri de la misogynie dans toutes ses formes. Alors certes, il est loin d’être regrettable que les femmes s’investissent et occupent des positions de leadership dans la vie associative, mais peut-être qu’un article sur un vrai sujet, un truc problématique, ne ferait pas de mal…

    AH mais oui, vous passeriez alors pour des FEMINISTES si vous écriviez un tel article ! Rendez-vous compte, ce sont des femmes qui ne portent pas de soutien-gorge, qui ne se lavent pas, des mal-baisées ! Bref, j’en ai assez d’entendre à Sciences Po cette rengaine qui se veut progressiste mais que se satisfait de l’absence d’une prise de conscience féministe parmi les étudiantes (et les étudiants).

    A bon entendeur !