Frédéric Mion élu directeur de Sciences Po

Ils sont dépités ; deux occupations nocturnes de l’amphithéâtre Boutmy, un grand rassemblement devant le 13U puis au 28 rue Saint Dominique pour bloquer le CA, une tentative avortée ensuite de rentrer dans le CD en salle J211 ; les étudiants rassemblés pour réclamer démocratie et transparence ont échoué. Les conseils se sont réunis, les conseils ont voté, les conseils ont choisi. Frédéric Mion est le nouveau directeur de Sciences Po. Et sauf censure de la part de la ministre de l’enseignement supérieur Geneviève Fioraso, après 11 mois sans directeur, Sciences Po vient d’en finir, vendredi 1er mars avec cet orphelinage burlesque.

Une clameur résonnait rue Saint Dominique : « Petit papi Casa, quand tu descends du CA, avec … des bonus par milliers … n’oublie paaaas de démissionner ! ». Une centaine de personnes, dont beaucoup de membres de l’UNEF s’est rassemblée dans le froid suite à la résolution votée en Assemblée Générale. « On espérait être davantage » glisse un adhérent de l’UNEF. Rapidement, ils doivent se dispatcher sur plusieurs lieux pour bloquer les entrées, après qu’au dernier moment le conseil d’administration a été relocalisé rue Saint Dominique : mot d’ordre, empêcher la tenue du CA et provoquer un report du calendrier. Mais sur les 35 membres du Conseil, seuls 5 sont bloqués dont Pascal Lamy et Nathalie Loiseau (directrice de l’ENA), insuffisant donc, quand on sait qu’il suffit de 18 membres pour permettre le vote. Malgré tout, certains tentent de forcer le passage, ce à quoi l’arrivée de la police nationale met finalement un terme, garantissant au CA la tranquillité nécessaire pour délibérer. Quand ses membres quittent les lieux, on assiste alors à un moment surréaliste : remontant la rue Saint Dominique jusqu’à Solférino, les membres, Casanova et Olivier Duhamel maugréant en tête, sont suivis par les étudiants, leur banderoles, leurs pancartes et leurs chants, séparés uniquement d’un cordon de policiers.

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Il s’agit dès lors d’empêcher la tenue du CD qui doit avaliser le choix du conseil « supérieur », autre étrangeté que la seconde procédure n’aura pas corrigée. Mais cette fois-ci, les contestataires sont bloqués à l’entrée par la police, qui, après avoir compris que tout étudiant avait sa carte, verrouille définitivement les portes. Scène très drôle de cette étudiante partie faire une photocopie et qui n’aura pas eu la chance d’assister à la fin de son cours. En attendant, nous parvenons à rentrer subrepticement, jusqu’à ce qu’une seconde barrière nous interdise l’accès aux étages où des étudiants de l’UNEF et du SUD auraient lancé l’assaut pour rentrer dans la salle. Si tous les membres du CD ne sont pas présents (apparemment, on compte un grand nombre de procurations), le CD refuse encore le report de son vote demandé par les élus étudiants : il confirme alors pour Frédéric Mion la confiance du CA qui l’avait au préalable plébiscité par 24 voix sur 31. 18 voix pour, 11 contre. Habemus directorem, comme l’annonce sur Facebook Pierre Bornand, président du MET.

Que va-t-il se passer maintenant ? Il ne reste que la voie ministérielle pour empêcher Frédéric Mion de devenir directeur de Sciences Po. Même si on voit mal Geneviève Fioraso désavouer sa propre procédure, enfin, attendons. En fait, si le mouvement AGSciencesPo, et l’UNEF à travers elle, a envoyé un message fort porté par bon nombre d’étudiants, relayé par les médias locaux et nationaux, ils n’auront pas été entendus. Seul Jean Gaeremynck aura eu le courage de descendre dans la cage aux lions mercredi pour faire face aux critiques et tenter de défendre sa procédure à 400 étudiants (d’après LeMonde) vindicatifs et échauffés par de très bons orateurs. Ce rassemblement pose deux questions : que faut-il faire pour peser sur l’administration ? Sans dire si l’AG est légitime ou pas, une telle action coup de poing aurait dû peser sur les dirigeants : il n’en a rien été. Ils ont juste pris la peine de couper le chauffage, selon un des étudiants rassemblés. Ensuite, de quel soutien bénéficiaient les syndicats MET et UNEF (si le premier laissait à tout un chacun la liberté de participer à OccupyBoutmy et « encourageait vivement » le rassemblement de ce matin, le second a porté la vindicte estudiantine pendant deux jours) quand on voit que le sondage réalisé sur notre site (simple esquisse de l’opinion) montre qu’un étudiant sur deux est en désaccord avec l’initiative ?

Bref, les vacances tombent bien. Car si la situation s’apaise temporairement, on n’aura fait que glisser la poussière sous le tapis : le directeur devra instaurer dès son arrivée un véritable dialogue avec les étudiants, les salariés et les enseignants pour recréer une ambiance sereine et propice au travail. Un directeur à qui il faudra laisser un peu de temps pour se faire à l’école mais qui devra impérativement nous présenter son projet et son ambition pour Sciences Po et tenter de se débarrasser de l’image qu’il vient de se voir endosser : le candidat du clan Descoings et de Jean-Claude Casanova.

7 Comments

  • La Marquise de Pompadour

    Voilà juste quelques petites données mignonnes et charmantes, comme ça :

    Bon alors on a :

    – Fréderic Mion, intime de Richard Descoings et secrétaire général de Canal +.
    – Michel Pébereau, membre du Haut Conseil de l’Education, président du conseil d’administration de la BNP, et membre du conseil d’administration d’EADS France, Saint Gobain, Lafarge, EADS Pays-Bas, BNP Paribas Suisse, AXA, Galeries Lafayettes, Pierre Fabre, BMCI et BNP Paris UK et membre du très respectable think thank « Institut Aspen France » (je vous invite à aller voir de quoi il en retourne, ça vaut le détour).
    – Jean-Claude Casanova qui a ses entrées au Monde, à l’Express, au Figaro et à France Culture.

    Hmm… Joyeuse Tambouille

    Bon on ne parlera pas des membres du Conseil d’Administration, hein, ça ferait un peu trop de lignes pour rien et ce serait indigeste.

    Donc voilà, passez une excellent année au sein de notre formidable Institut d’Etudes Politiques, hihi. Bye bye.

  • Paul Laurent

    FREMANN : il est élu par les conseils directeur de Sciences Po, mais en effet il faut attendre l’approbation officielle. Je ne dis pas l’inverse dans l’article.

  • FREMANN

    comment pouvez-vous dire qu’il est élu sans que le gouvernement n’ai encore validé la candidature de M. Mion par nomination officielle ?

  • Arthur S

    Techniquement, de nombreuses personnes qui gueulent, dont moi, n’ont pas grand chose en soi contre F. Mion. On sait pas grand chose sur lui à part qu’il vient pas vraiment du milieu universitaire mais du privé. C’est pas disqualifiant en soi. Le problème c’est la procédure opaque, qui nous empêche d’en savoir plus sur les candidats. Procédure qui est tellement merdique, que même si on avait ressuscité Bourdieu pour le nommer directeur, j’aurais été contre. L’opacité, et l’illégitimité du CA et du petit clan qui le contrôle sur l’avenir de notre Institution. Voilà le problème.

    Du coup, Monsieur Mion qui était peut-être qualifié pour la tâche (l’avenir le dira) va se retrouver face à une opposition frontale des étudiants. Ce qui va grandement lui compliquer l’affaire.

    C’est tout le sens de l’importance d’un processus qui parvient à un directeur légitime.

    S’il veut récupérer de la légitimité le cher Mion, il ferait mieux d’obtenir de Casanova une démission, de réformer les statuts de ScPo et SURTOUT ce fichu CA et la procédure de nomination de la direction. Et de faire preuve d’une réelle écoute.

  • MarieL

    « le sondage réalisé sur notre site (simple esquisse de l’opinion) montre qu’un étudiant sur deux est en désaccord avec l’initiative. »

    La question posée par le sondage portait sur l’occupation de Boutmy et non sur la procédure de désignation du nouveau directeur à proprement parler.

    Le mouvement OccupyBoutmy, qu’on l’approuve ou non, était un moyen d’attirer l’attention sur l’absence de transparence et donc de légitimité de cette procédure.

    Ces deux questions ne sont pas les mêmes.