Élections Étudiantes à Sciences Po : un Résultat Clair, des Positions Opposées
Du 8 au 10 octobre se sont tenues les élections étudiantes rassemblant les étudiants de Sciences Po, dans un contexte marqué par la nomination du nouveau directeur Luis Vassy et la reprise des mobilisations étudiantes en soutien à la Palestine. Quatre listes se sont opposées en vue de siéger au Conseil de l’Institut (CI) et au Conseil de la Vie Étudiante et de la Formation (CVEF) : L’Union syndicale inclusive et solidaire contre l’extrême droite, Nova, Solidaires étudiant-e-s et L’Uni avec Sciences Po.
Pendant une semaine, les militants étaient présents sur le campus, à travers le collage d’affiches, la distribution de flyers, ainsi que le débat organisé par Sciences Po TV, auquel les étudiants ont assisté en nombre.
Auteur: Gabriel Caputo
La victoire de l’Union étudiante, celle de la « voix logique » (Nathan pour l’Union syndicale)
Au bout d’une semaine de campagne intense, la victoire de l’Union syndicale avec 49,24% des voix représente pour Nathan, élu quatrième suppléant de l’intersyndicale, le triomphe de la « voix logique à Sciences Po ». Logique dans la mesure où les élections confirment une tendance politique des étudiants à gauche, engagés et soutenant la cause palestinienne avec l’élection du « Student for Justice in Palestine » à Paris et Menton aux initiatives étudiantes, comme il le rappelle notamment.
Les présidences étudiantes des deux conseils ainsi que la section disciplinaire constituent des priorités pour l’intersyndicale. Celle-ci compte bien s’appuyer sur le « souffle qui a été donné dans cette campagne » et sur une éventuelle coopération avec Solidaires pour obtenir une majorité absolue leur permettant un accès à ces postes. Il s’agit d’agir contre la « répression générale » qui s’impose aux étudiants mobilisés avec pour objectif le rejet du controversé règlement étudiant, à nouveau validé par le CVEF et sur lequel doit se prononcer le CI, afin de défendre la « liberté de manifester, de se rassembler ». Autre sujet important pour l’Union syndicale, l’instauration de la progressivité des frais pour les étudiants extra-européens pour lutter contre une situation « extrêmement discriminante à l’égard des étudiants qui ne viendraient pas des grandes bourgeoisies des différents Etats extra-communautaires » d’après Yan, militant, rejetant « l’argument fallacieux » d’une situation financière de l’école qui ne le permettrait pas : les frais de scolarité représentent en effet « un tiers » de son budget.
Si Nathan « ne savait pas du tout à quoi s’attendre » pour le résultat, « ce n’est pas non plus choquant » pour Alice, militante. Il faut dire que le résultat s’inscrit dans celui des élections du CROUS, comme l’indique Hadrien, élu quatrième titulaire. Un résultat qu’ils doivent à une campagne présente sur l’ensemble des campus, un « effort de communication » avec la mise en œuvre d’une « identité visuelle » et leur présence sur les réseaux sociaux. « Tout le monde a perdu des voix et on en a gagné 785 » constate Zélie, élue troisième titulaire, qui explique ce score par cette « alliance entre l’Union étudiante, l’AER et l’Unef [qui] a été un regain dans le syndicalisme et le militantisme à Sciences Po » dans un mouvement plus largement « national ». Alice ajoute : « C’est vraiment la création de l’Union étudiante qui a permis de remobiliser tout ça », une manière de présager l’importance du syndicat au sein de l’alliance dont la vocation est d’abord de lutter contre une potentielle victoire de « l’extrême-droite à Sciences Po ».
Au sujet de la réputation de Sciences Po, Nathan fustige les interventions de l’Uni sur des médias comme CNews ou encore la matinale de « Frontières », « bien à l’extrême droite », qui diffusent des « accusations absurdes ». Enfin, s’il dit que le mouvement propalestinien « fait très attention à ses slogans pour heurter le moins possible », il déplore « l’instrumentalisation » du terme « intifada » par l’extrême droite et notamment L’UNI dans les médias. « Et ça, c’est l’image de l’école qui en pâtit » conclue-t-il.
« Concernant le résultat des élections, force est de reconnaître qu’il n’est pas à la hauteur de nos attentes » (Maxime pour l’équipe Nova)
C’est un bilan contrasté qui s’impose à Nova après la perte de 200 voix et de la position de « premier syndicat de Sciences Po ». Cela dit, le syndicat relativise : « ce résultat confirme la solidité de notre ancrage : alors que l’Unef obtenait à elle seule 70% des suffrages il y a 10 ans, Nova s’est durablement et solidement implanté dans le paysage syndical à Sciences Po ». Le syndicat a en effet obtenu 26,54 % des suffrages au CVEF et 26,52% au CI. S’il promet que sa « position ne changera pas à des fins électoralistes », le syndicat espère que « l’esprit de coopération se poursuivra » dans l’intérêt des étudiants et rappelle que la possession de deux sièges au CVEF lors du mandat précédent ne l’a pas empêché d’obtenir des avancées. Il s’agit en outre pour Nova de conserver son indépendance : « il n’est pas question de nous vassaliser », insiste-t-il.
Enfin, Maxime conteste les accusations de complaisance à l’égard de l’administration souvent formulées au cours de la campagne. « Comment expliquer que l’Union étudiante ait obtenu la présidence étudiante du CI [après les élections 2022] alors que nous disposions du même nombre de siège qu’eux ? » avance-t-il tout en valorisant le « dialogue » et une « approche constructive » face à une Union étudiante accusée de recourir « trop souvent » à « l’injure », au « blocage » et à l’« intimidation ».
« Nous sommes très satisfaits de ces résultats » (Louise, représentante de l’Uni à Sciences Po)
Si l’heure n’est pas à la victoire, l’heure n’est pas non plus à la défaite pour l’Uni qui conserve « [ses] sièges [un par conseil] en maintenant […] à deux voix près [leur] nombre de voix absolu ». Un score jugé inattendu pour un syndicat qui dit avoir vécu une campagne « très violente » par les « tracts et affiches » distribués et des « diffamations » auxquelles s’ajoute une « sociologie des admis » influencée par le nouveau mode d’admission, sans pour autant se prononcer sur caractère « bon ou mauvais ». Celui-ci donne une place restreinte aux élèves issus des « lycées privés, notamment d’Île-de-France ». Voilà autant d’éléments qui « jouent contre nous» , affirme Louise.
Le rôle de l’Uni « demeure ce qu’il a toujours été à Sciences Po » c’est-à-dire celui de porte-voix d’une « minorité d’étudiants » attachée au « diplôme », au « travail » à l’« excellence » et par dessus tout à la « valeur du diplôme » affirme-t-elle. C’est une priorité pour l’Uni qui s’alarme de la baisse de « recrute[ment] de sciencespistes » au sein des entreprises, une affirmation que l’on verra ou non se confirmer avec le classement QS 2026 en sachant que celui de 2025, publié en juin 2024, a placé Sciences Po au premier rang français, européen et au trentième rang mondial en termes d’insertion professionnelle.
Une « minorité d’étudiants » qui n’est « pas négligeable », le syndicat ayant recueilli 11,62% des votes au CI et 11,44% des votes au CVEF. C’est un résultat traduisant un « tableau plus fidèle des opinions et revendications des étudiants » permis par un « taux de participation inédit ». La représentante souhaite ainsi s’assurer que « celle-ci puisse librement s’exprimer dans les salles de classe et sur les campus » en luttant contre « les discriminations politiques qui existent au sein de notre école », une autre priorité de l’Uni.
Si on se satisfait en interne du résultat, celui-ci n’est toutefois pas suffisant pour le syndicat qui entend mener « un travail de recueil d’opinion et de témoignages auprès des étudiants » afin de « prioriser [leurs] revendications selon les besoins réels » tout en soutenant les « efforts que l’administration et la direction semblent mettre en place pour permettre un retour au calme sur nos campus ».
À la lumière des propos de l’Union syndicale relatifs à l’impact de la médiatisation de l’Uni sur la réputation de l’école, le syndicat a tenu à faire valoir son droit de réponse:
« Cette allégation est assez ironique dans le sens où elle confond l’œuf et la poule. À l’UNI, nous nous contentons de documenter, de dire la vérité sur ce que les étudiants de Sciences Po vivent au jour le jour. Des vidéos d’étudiants studieux ou bien d’étudiants mobilisés dans le cadre d’un débat politique serein ne trouveraient pas d’écho médiatique. Si les médias s’intéressent à nous, si les employeurs affirment ne plus recruter de sciencespistes, ce n’est pas car une poignée d’étudiants de l’UNI prennent des vidéos. C’est bien, car une minorité d’étudiants ternissent la réputation de l’établissement et en font pâtir des milliers d’autres, qui n’ont rien demandé. Nous pensons qu’il est important de faire entendre dans les médias une voix différente et de montrer qu’il reste fort heureusement des étudiants de bon sens. À bon entendeur. » |
En somme une élection où chacun se satisfait en partie de ses résultats, confirmant un développement électoral dans le cas de l’Union syndicale, et la consolidation d’une base plus ou moins fragile pour Nova et l’Uni. Si les trois syndicats se distinguent, ils ne manquent pas de remercier les électeurs pour leur confiance.
De plus, il est important de noter le caractère exceptionnel de cette élection. Certes, la participation n’a jamais été aussi élevée en atteignant 41,07% mais les résultats sont ceux d’une minorité, aussi importante soit-elle, d’élèves. L’abstention de 48,93 % peut alors s’expliquer par les difficultés rencontrées par les militants lorsqu’il s’agit de mobiliser les élèves qui ne peuvent pas tous être atteints par les mobilisations comme a pu nous l’expliquer Nathan de l’Union syndicale.
N.d.l.r.
Le nombre plus important d’interviewés de l’Union syndicale s’explique par la présence de l’auteur à la soirée électorale qu’elle a organisée à la suite de la publication des résultats.
Solidaires n’a pas encore répondu à nos sollicitations mais l’article pourrait être mis à jour si le syndicat venait à le faire.