Discours dans l’arène Leroy-Beaulieu

Lundi 25 mars, 19h, peu de personnes sont présentes devant les portes de l’amphithéâtre Leroy-Beaulieu et pourtant, un membre de l’UDI s’adresse déjà à son acolyte orateur, relisant son texte, pour lui chuchoter « On va les buter, les buter ! ». Etrange détermination de ce partisan ivre (pas à la manière de Jean-Louis Borloo) de victoire pour le premier débat inter-partis politiques organisé par Sciences Polémiques. Heureusement, ce prologue aux joutes oratoires qui allaient suivre ne résuma en rien l’esprit de la soirée. Plaçant l’événement sous le signe de l’éloquence associée à un débat d’idées constructif, l’initiateur et responsable du projet, Grégoire Durand, accompagné du président de Sciences Polémiques, Pierre-Noël Clauzade, exprime son espoir de voir cette forme d’art oratoire perdurer. 120 personnes sont présentes dans la salle selon les organisateurs, un peu moins selon certains observateurs malgré tout. Nul besoin de se perdre dans une polémique du nombre, courante actuellement, puisque tout le monde s’accorde à dire que les partis politiques sont bien au rendez-vous, de l’UMP avec son drapeau français jusqu’à EELV, en passant par le Modem.Afin d’éviter tout débordement sonore, logorrhée, et autres envolées lyriques qui n’auraient rien à envier aux discours de Fidel Castro, le responsable tient à rappeler le règlement, simple et clair. Deux partis s’affrontent sur chaque sujet, chaque représentant du parti reste cantonné dans un discours de quatre minutes pour exprimer ses idées, avant de faire face aux réactions du public, partisans ou non, tentant de les pousser dans leurs derniers retranchements. Le but semble donc d’élever à un niveau équivalent l’habileté oratoire et des idées constructives et argumentées. (Faute de suspendre le temps par la beauté des discours, les orateurs devront dévier du format prévu, finalement adapté au fur et à mesure afin de restreindre l’événement aux deux heures prévus.)

jury

Malgré ce projet quasiment utopique, Sciences Polémiques ne serait rien sans sa tendance maintenant célèbre au « troll » et à l’humour, qu’ils tentent encore une fois de démontrer par le choix des sujets et des partis s’affrontant dans l’arène devant une foule hilare. Ce ne sont pas moins de 8 sujets qui ont été préparés, dont le plus haut en couleurs reste probablement « Yes, we cannabis ? », duel au sommet entre EELV et le PS.

Les joutes s’ouvrent cependant sur un débat moins incliné vers l’humour et les jeux de mots puisque le PS et l’UDI ont eu à déblatérer sur « l’impôt est-il digne de crédit ? ». UDI que Grégoire Durand confond d’ailleurs avec le Modem, et ce plusieurs fois au cours de la soirée, heurtant les partisans. Anecdote.

Il serait fastidieux de relater le déroulement du débat, même si tout un chacun put remarquer l’intervention de Paul Bonmartin dans le public qui s’était sûrement mis en tête de dénoncer la schizophrénie de l’UDI. La suite a vu défiler une citation de Pierre Desproges concernant l’amour de la part de l’UMP, des clichés sur EELV comme l’accusation d’un débat « au ras des pâquerettes », ou encore une blague sur la très actuelle reproduction des pandas. Tandis que l’UMP choisit l’autodérision sur le prénom Charles-Henri, le Front de Gauche choisit les propos radicaux, un orateur étant même prêt à risquer le soutien de ses propres partisans.

public

Nous retiendrons sans nul doute la prestation de l’orateur du Modem, qui en plus de remporter le débat, a commencé par apprivoiser la salle d’une blague bien sentie sur Georges Tron pieds nus. Il ne pouvait que rallier EELV à sa cause en parlant de plante (des pieds) et de Tron. Cependant, le morceau de bravoure ne se situe pas là puisque sa référence aux mesures de Guillaume Pelletier est directement suivie d’une digression en chanson, couverte par les éclats de rire d’un public hilare. N’oublions pas aussi l’honnêteté très appréciée du dernier orateur d’EELV qui a su conquérir le public en conciliant humour, idées et simplicité. Finalement, s’il ne devait en rester qu’un, ce serait le PS avec ses trois victoires grâce à une oratrice déterminée et deux orateurs qui ont su s’imposer.
Le succès de l’événement semble donc complet et le développement de ce type de débat ne saurait se faire attendre. Nous pouvions regretter l’absence de variété dans le public puisque chaque intervenant était appelé par son prénom par les membres du jury, nous permettant de les soupçonner comme habitués de Sciences Polémiques. Un jury qui n’en a d’ailleurs que le nom. En effet le public votait, laissant aux pontes de l’association de raviver l’ambiance de la salle à divers moments tout en guidant les débats, et heureusement vu leur très relative impartialité face aux divers partis en présence. Cette soirée ‘politicoratoire » pouvait finalement se résumer au très fin slogan de Raymond Barre en 1988, « Du sérieux, du solide, du vrai ».

3 Comments

  • GD

    …et je tenais juste à remercier l’auteur pour cette photo qui met vraiment PNC en valeur.

    Merci pour l’article, qui est très bien à une exception près : tous les débatteurs et les membres du public ne sont pas des habitués de Sciences Polémiques, loin de là ! Et c’est justement la raison d’être de ce projet 🙂

    Il sera bien sûr continué et développé par le prochain bureau (pour qu’un jour je fasse la différence entre UDI et Modem…).