Conférence : Après Bali, quelles perspectives ?

Pachauri Six ans après que Jacques Chirac eut déclaré, au IIIe Sommet de la Terre à Johannesbourg, « notre maison brûle et nous regardons ailleurs », trois invités, et pas des moindres, viennent débattre de l’enjeu écologique et reviennent sur la Conférence de Bali.

  • Dr Rajendra K. Pachauri, Prix Nobel de la Paix 2007, Président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
  • Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d’Etat chargée de l’écologie auprès du Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durable.
  • Nicolas Hulot

Conférence animée par Laurence Tubiana, directrice de la Chaire de Développement Durable de Sciences Po, membre du China Council for International Cooperation on Environment and Development, du conseil scientifique de l’Ecole des Ponts, du conseil d’administration de l‘International Food Policy Institute et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.

Pachauri Selon Nicolas Hulot, à l’heure où les questions énergétiques exacerbent les conflits latents, « nous ne sommes pas loin de l’irréversible » et il apparaît urgent de réviser nos logiques de consommation, car « il n’y a que les fous et les économistes pour croire qu’on peut avoir une croissance infinie dans un monde fini ». L’objectif affiché est de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020. Le protocole de Kyoto a été un premier pas, il y a des signes rassurants, tel que l’incontestable prise de conscience mais le temps est à l’action, car « l’inertie d’aujourd’hui scelle les tragédies de demain ». Comment agir alors, puisque selon lui, « rester optimiste aujourd’hui devient un acte de bravoure » ? L’enjeu est de « mobiliser la science, la technique et l’esprit » et Nicolas Hulot croit en une combinaison écologique : l’abaissement des quotas et leur mise aux enchères, l’implémentation d’une taxe carbone et la rémunération des propriétaires de forêt pour inciter à leur préservation.

Pachauri Nathalie Kosciusko-Morizet se félicite que les chercheurs se mobilisent pour faire bouger les politiques, à l’instar de Nicholas Stern qui avait remis à Tony Blair un rapport quantifiant en termes monétaires le coût du changement climatique. Selon la Ministre, « il faut être créatif dans la manière d’appréhender les enjeux ». Le protocole de Kyoto étant manifestement un premier outil peu satisfaisant, la Conférence de Bali avait pour but d’aller plus loin dans la réflexion, de « faire converger la Convention de Rio et le Protocole de Kyoto ». Le résultat est apparu décevant car on attendait de la Conférence de Bali des engagements forts or Nathalie Kosciusko-Morizet pense qu’on ne pouvait espérer d’elle qu’un « cadre pour donner réalité au Protocole de Kyoto ». C’est ainsi que l’Accord de Bali scelle la décision de fixer un calendrier avant 2009. En dépit des insuffisances patentes (les Etats-Unis n’ont pas changé de position vis-à-vis du protocole de Kyoto contrairement à l’Australie qui l’a ratifié au début de la Conférence), il demeure des points positifs : tous les Etats du Nord ont accepté d’avoir des efforts comparables (les Etats-Unis refusaient jusqu’alors toute remise en cause du mode de vie états-unien) et les pays du Sud ont accepté d’avoir des objectifs mesurables, communicables, vérifiables. L’Union Européenne a joué un rôle majeur, quoique discret, par rapport au calendrier : la Conférence se Bali sera suivie de la Conférence de Poznan et de celle Copenhague. L’Europe a également pour objectif de réduire de 20% ses émissions de gaz à effet de serre et de faire émerger le paquet législatif « Climat-Energie », dont les trois textes comportent la révision du système de quotas européens et le partage des objectifs à l’intérieur de l’UE.

Pachauri Rajendra Pachauri rappelle qu’à l’époque du Protocole de Kyoto, l’opinion était sceptique, tandis que la Conférence de Bali est marquée par un très haut niveau de conscience. Il insiste également sur l’importance des actions individuelles plutôt que de faire confiance aux gouvernements. Les citoyens doivent faire pression sur les politiques. Enfin, nul ne doit oublier la nécessité de combiner les énergies (actions gouvernementales, actions individuelles, etc.) et de prendre en compte la dimension éthique de l’enjeu du réchauffement climatique. Réagir est un devoir.

Que faut-il faire alors pour qu’il ne soit pas trop tard ? interroge Laurence Tubiana.

Tout d’abord, rappelle Nicolas Hulot, « il faut être convaincu que le changement n’est pas inévitable pour coordonner ses efforts ». Le GIEC a validé scientifiquement le diagnostic du réchauffement climatique. Personne ne peut désormais prétendre ne pas être informé, ne pas savoir. « Le doute a bénéficié aux excès passés mais l’alibi du doute ou de l’ignorance n’est plus valable ». Nicolas Hulot défend ensuite le basculement progressif de la fiscalité du travail sur la fiscalité de l’énergie, afin de rendre compatible les exigences économiques, sociales et écologiques.

Nathalie Kosciusko-Morizet considère que la politique évolue avec l’opinion et reconnaît que cette évolution est trop lente. « Les citoyens ont un devoir d’interpellation et de cohérence », insiste-t-elle. Il faut des signaux forts envoyés par les citoyens : la mobilisation pour la Charte de l’environnement a été un message envoyé aux politiques.

Ensuite, Nicolas Hulot suggère d’intégrer dans le bilan les externalités négatives aux lieu de les reporter. Un prérequis est, selon lui, que « la volonté d’agir individuelle rencontre une organisation collective » : c’est à la collectivité de « donner le cap ».

Enfin, Rajendra Pachauri défend l’engagement des pays développés pour entraîner les pays en voie de développement. L’impératif est selon lui de « mettre en cohérence les intérêts locaux de développement et les intérêts globaux ».

Les personnes intéressées peuvent par ailleurs se documenter grâce à l‘Encyclopédie du Développement Durable (Editions des Récollets). Le numéro 56 (janvier 2008) est consacré aux « Leçons de Bali ».

12 Comments

  • Escaravage

    Dans le contexte actuel de catastrophe climatique imminente, toute émission intempestive de CO2 semble intolérable. C’est pourtant le moment choisi pour envisager l’ouverture, entre les deux communes nivernaises de Lucenay les Aix et de Cossaye, d’une mine de charbon à ciel ouvert, couplée à une centrale thermique. La réalisation d’un tel projet entrainerait la destruction irréversible d’un paysage bocager jusqu’ici protégé des ravages du remembrement et de l’agriculture intensive. Deux rivières, qui avaient échappé dans les années soixante à la canalisation, seraient détournées. La prétention des promoteurs de séquestrer le CO2 au voisinage du site a été infirmée par Pierre Radanne, de même que celle de la l’efficacité prochaine au plan industriel de cette technologie est niée par tous les experts, en particulier dans le récent rapport de l’Académie des Sciences : « Energie 2007 2050, les Choix et les Pièges », dans lequel l’échéance 2030 voire 2050 est clairement retenue et assortie de réserves sur sa faisabilité. Les cahiers du CLIP arrivent aux mêmes conclusions. Il en résulte qu’entre 2012, date de la mise en exploitation prévue et au mieux 2030 seraient émises dans l’atmosphère des quantités intolérables de CO2. L’argument de déclarer cette entreprise « site pilote » de la captation séquestration, au prix d’atteintes majeures à l’environnement et d’une majoration de l’effet de serre, n’est nullement recevable, étant donnée sa redondance par rapport aux nombreuses expérimentations en cours en Europe et dans le reste du monde. Enfin la présence de radon à l’aplomb du gisement en quantité très importante (516 BQ par m3) témoigne de sa richesse en éléments radioactifs et laisse présager, étant donné l’affinité bien connue du radon pour le charbon, une forte radioactivité des micropoussières émises. Un tel projet s’inscit dat la poursuite fatale de l’hyperconsommation dénergie condamnée par Rajendra Pachauri.
    Docteur Escaravage – Lucenay-les-Aix

  • Fidule

    Quand la lutte contre le changement climatique sert de prétexte à la critique de la société de consommation…
    C’est en mettant tout dans le même sac, comme tu le fais, chère Mélodie, que tu contribues à décrédibiliser les causes et les faire passer pour un prétexte global au réactionnisme.

  • Trésor

    Rolalalala, Mélodie,

    Ca s’arrête quand ces jugements moraux sur la conduite des autres? Chacun vit la vie qu’il entend! Ces critiques sont fallacieuses et trop entendues surtout.

    "Pour certaines personnes, les soldes sont un moyen de pouvoir s’acheter des habits parce qu’elles ne peuvent pas le faire le reste de l’année, pour d’autres c’est juste un moyen de rajouter 5 pantalons aux 10 qu’elles avaient déjà."

    Soit, c’est un constat, indéniable même. Le sujet ici c’est l’écologie et l’après Bali, alors je ne vois pas ce que ta litanie contre les méchants capitalistes-hédonistes-fashionados fait là.

  • Mélodie

    Soldes = exemple typique de la société de consommation ou comment faire croire aux gens qu’ils ont besoin de s’aheter des tonnes de vêtements alors que des chaussures pour remplacer celles qui prennent l’eau et un pull parce qu’on se les pèle suffiraient amplement… Pour certaines personnes, les soldes sont un moyen de pouvoir s’acheter des habits parce qu’elles ne peuvent pas le faire le reste de l’année, pour d’autres c’est juste un moyen de rajouter 5 pantalons aux 10 qu’elles avaient déjà…

  • Mélodie

    Et maintenant, il faudrait que tous ceux qui sont allés applaudir cette magnifique conférence n’aient pas applaudi en l’air…
    Qui est prêt à arrêter de prendre l’avion, à arrêter d’aller faire les soldes inutilement, à manger des fruits de saison, à se chauffer à 19°C ou à stopper les douches de 10 minutes (j’en passe et des meilleures…) ?

  • Jenny

    Merci Witolds pour ce compte rendu synthétique et clair! Super pour ceux qui ont dû partir avant la fin pour cause de cours 🙂

  • correctrice

    Juste un petit truc (qui n’enlève rien à la qualité de l’article !) : "six mois après que Jacques Chirac EUT ou A déclaré" et pas "ait"… et oui, pas de subjonctif après "après que"…

  • Lectrice de La Péniche

    Très bon article en effet !!!
    Merci, je n’avais pas pu m’y rendre, mais cette article concis semble donner les phrases percutates de la conférence.