Associations : une semaine pour se faire connaître et reconnaître

Nous l’avons tous écrit dans notre grandiloquente lettre de motivation d’aspirant sciences-piste : ce qui nous intéresse dans le cursus proposé à l’IEP, ce sont autant « la pluridisciplinarité de la formation » et « l’ouverture à l’international » que le « dynamisme de sa vie associative ». Et à l’oral, poussant le vice jusqu’à la lie, nous avons tous chanté l’éloge d’une association fantôme savamment tirée au sort devant les regards inquisiteurs d’un jury encravaté, qui assistait amusé à notre frénétique piétinement du tapis et de nos derniers restes de dignité.

Étudiants de Sciences Po ! Il est grand temps de montrer au monde entier que toutes ces belles paroles n’étaient pas vaines, et que derrière le pelletage de nuages, il y avait un semblant de soleil.

Vous l’aurez compris, la semaine prochaine, c’est le retour de la sempiternelle reconnaissance des associations qui ébranlera la vie enchantée de l’institut.

La reconnaissance des associations, comment ça marche ?

asso.jpg
Vous avez jusqu’à vendredi, 17h pour envoyer à Julien Palomo un dossier complet de candidature d’association, avec le descriptif et triumvirat de celle-ci. Si toutefois votre motivation n’est pas à la hauteur de votre projet, vous pourrez malgré tout vous rendre au 13 rue de l’Université du 8 au 10 octobre pour découvrir toutes les associations candidates qui tenteront de vous soudoyer en vous offrant moult tracts et sucreries. Vous aurez ensuite jusqu’au lundi 15 octobre, 8h, pour apporter votre soutien aux deux associations qui vous auront le plus convaincus, et toute association ayant récolté 120 voix sera reconnue par la Commission paritaire.

Cependant, comme toute règle, celle des 120 soutiens connaît des exceptions. Lorsqu’une association implantée à SciencesPo depuis des années ne recueille pas ses voix (problème de comm ou mauvais changement du bureau ), la Commission paritaire peut décider de la repêcher. Mais par souci d’équité, elle abaisse en fait le seuil de voix requises au niveau de celle rattrapée. Vous étiez surpris l’année dernière de l’existence de la Gallinette cendrée, l’amicale des chasseurs de SciencesPo ? Le secret est là: elle ne doit son existence qu’au fait que l’UEJF (Union des Etudiants Juifs de France) n’ait pas obtenu ses précieuses voix lors de la fameuse procédure.

Pourquoi se faire reconnaître comme association ?

Et bien tout simplement parce que cela permet d’avoir droit à des financements. Toute association reconnue peut toucher jusqu’à 600 euros sur présentation d’un dossier complet comprenant entre autres un budget prévisionnel. Pour toute demande de financement supérieure à ce montant, il faut soumettre un dossier à la Commission de la vie étudiante. L’administration leur donne en outre les moyens de mettre en oeuvre leurs activités (photocopies, panneaux d’affichage, réservation de salles, etc).

Les associations permanentes n’ont pas à se soumettre à cette procédure : le BDE, l’AS, le BDA, Junior Consulting, Sciences Po Environnement et les associations « pédagogiques », (associations de bi-cursus au Collège Universitaire et associations des masters) sont aujourd’hui des « associations auxquelles sont confiées la gestion de certains services organisés dans l’intérêt des étudiants » et bénéficient d’un financement spécial qui leur est accordé en fonction de leurs projets et des partenariats qu’elles forment en dehors de SciencesPo.

Rapide retour sur l’histoire de la procédure

Le système est certes compliqué, mais bien implanté dans les mœurs sciencespistes. Déjà du temps d’Emile Boutmy, la vie associative était un élément important de la vie de l’Ecole Libre des Sciences Politiques. Les « clubs » qui se forment à l’époque sont ce qu’on appellerait aujourd’hui des « antennes » de clubs déjà existants. Ainsi, le Centre Saint Guillaume date de 1869 et la conférence Olivaint de 1876. Ce sont les deux plus anciennes associations recensées à SciencesPo, et aujourd’hui encore, font partie des associations qui recueillent le plus vite leurs voix lors de la semaine de reconnaissance. L’ancêtre du BDE, première association permanente, pour la comparaison, date lui, d’avant la première Guerre mondiale.

image_1349365572545161.jpgLa formalisation de la procédure de reconnaissance des associations telle que nous la connaissons aujourd’hui date de 1969, avec la réforme sur les universités quand SciencesPo quitte l’académie de Paris pour devenir une institution à part. Il ne faut à l’époque que 40 signatures pour devenir une association reconnue. On passe à 60 voix en 1984, et enfin à 120 en 2008, pour être en phase avec l’augmentation des effectifs de l’école. Le système de vote doit offrir une vraie légitimité aux associations pour ne pas se borner à un simple enregistrement automatique.

Malgré ce que l’on pourrait croire, le cap des 120 voix a développé l’activité associative plus qu’il ne l’a diminuée : il y eut un bond de 15% des projets associatifs en 2008 et la participation au vote est passée de 38% en 2007 à 50% en 2008. La difficulté d’avoir ses voix augmente (bien que 120 ne soit pas un chiffre insurmontable), et cela augmente la motivation des étudiants.

Une procédure originale … vouée à disparaître ?

Le principal but de la semaine de reconnaissance des associations est en effet de faire découvrir les différents projets étudiants qui vont nous accompagner pendant l’année universitaire. Selon Julien Palomo, cette procédure serait cependant « vouée à disparaître ». Elle constitue une exception (une de plus !) dans le système universitaire français et mondial. Nulle part ailleurs on ne vote pour ses associations ! Dans nombre de pays, les activités associatives sont toutes regroupées sous le joug de la Student’s Union, à laquelle l’adhésion est très chère (quelques centaines d’euros), et qui reçoit l’intégralité des subventions pour les redistribuer ensuite aux différents projets. Dans un établissement où les étudiants étrangers représentent près de la moitié de la communauté, on peut se poser la question de l’utilité de ce particularisme sciencespiste. De plus, SciencesPo suit depuis 2008 un mouvement d’alignement sur les autres universités françaises (notamment avec le PRES Sorbonne-Paris-Cité). La vie étudiante pourrait donc connaître des changements importants dans les années à venir.

Cette évolution a déjà été amorcée par la création en septembre 2011 de la Commission de la vie étudiante, composée de deux élus enseignants et de deux élus étudiants. Elle est chargée d’accorder des financements à des projets tout au long de l’année, le but étant qu’un étudiant ayant une bonne idée puisse voir son projet soutenu sans avoir besoin d’attendre le mois d’octobre et la procédure de reconnaissance des associations. Elle a financé cette année une dizaine de projets et distribué près de 17 000 euros. Cependant, cette procédure est encore méconnue des étudiants et fonctionne sur le modèle de la responsabilisation : les étudiants qui veulent vraiment faire quelque chose doivent prendre les choses en main.

reco assoIl y a donc une grande hésitation au niveau de l’administration. Entre le « débrouille-toi tout seul français» et l’ « étudiant-client outre-atlantique », quelle voie choisir ? Faut-il garder notre particularisme au risque de multiplier les procédures et les complications ? Ou au contraire, faut-il s’aligner sur les modèles étrangers, où l’étudiant est « usager » de son université plutôt que véritable acteur ? La Commission paritaire forme des groupes de travail pour réfléchir à ces questions. Ce qui est certain, d’après Julien Palomo, c’est qu’il y a encore « des choses à faire », des procédures à redéfinir, et que l’« on observera très bientôt des changements dans l’organisation de la vie associative » : il faudrait notamment « définir un peu mieux le rôle des associations permanentes ». Il y a « beaucoup de pistes de travail à creuser », on est sans nul doute dans une période d’intense réflexion durant laquelle l’administration tente de repenser le modèle associatif à SciencesPo.

En attendant ce grand chamboulement de la vie étudiante, il vous faudra voter pour vos associations préférées. Et dans cette jungle luxuriante (84 associations au moment où nous publions), LaPéniche a sélectionné 6 associations ; 6 associations qui nous ont séduits et que nous avons voulu vous faire découvrir ; un coup de cœur, pour un coup de projecteur.

4 Comments