À marche forcée, à pas de velours

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À la découverte du campus européen franco-allemand de Nancy

Par Benoît Rinnert, rédacteur-en-chef du magazine Le Parvenu

Fondé en 2000, le premier-né des campus en région accueille actuellement 200 étudiants dans la cité des ducs de Lorraine. L’excellence des enseignements et des résultats s’accompagne d’une vie associative extrêmement variée et dynamique, ainsi que d’une très chaleureuse proximité entre les membres de cette grande famille, originaires d’une trentaine de pays.

“Es sind die allerbesten Mannschaften […] Die Meister / Die Besten / Les grandes équipes / The champions”

Tout est, en fin de compte, dans cet extrait de l’hymne de l’UEFA : les trois langues d’enseignement du tronc commun, l’importance attribuée aux performances sportives, les superlatifs plus que justifiés sur notre travail. Car le campus de Nancy n’en est pas simplement un parmi les autres. C’est le premier, le pionnier : il a été ouvert au pas de charge, sur une idée visionnaire de Richard Descoings et en coopération avec des partenaires locaux réceptifs. Le “modèle” s’est ensuite exporté, a été imité et adapté, bien entendu, preuve qu’il sait tracer des voies. Terrain d’essai de l’ouverture aux étudiants étrangers, d’une plus grande diversité sociale, d’enseignements moins conventionnels, de partenariats locaux et internationaux, le campus de Nancy a souvent été un laboratoire pour bon nombre d’expériences du Collège universitaire.

De l’activité à n’en plus savoir donner de la tête

Action humanitaire en Afrique ou sociale auprès d’enfants dans un quartier modeste, bonne parole écologiste ou citoyenne, presse papier ou radio, musique, cinéma, théâtre ou danse, offre pléthorique d’activités sportives, cuisine, débats en anglais, junior-entreprise, simulation des institutions de l’Union européenne ou des Nations Unies, courts-métrages, organisation du gala, mobilisation des supporters pour les Collégiades, bureau des élèves ou des arts, club de photographie, aumônerie : la liste des projets collectifs, obligation de scolarité tellement prise à cœur que la plupart des étudiants s’investissent énergiquement dans deux, trois ou quatre d’entre eux, preuve que l’intérêt ne réside pas seulement dans l’obtention d’ECTS, est loin d’être finie. Ce sont eux qui, parallèlement aux cours, rythment la vie du campus. Pas une semaine ne passe sans au moins deux événements bien préparés et réunissant une bonne partie de la communauté. Si traditionnellement, la pause de midi voit le Forum, ou hall, occupé par deux ou trois équipes vendant des croques-monsieur, des sandwiches ou des parts de gâteaux au profit de leur association, un créneau est même réservé aux projets, à savoir le jeudi après-midi de 13 heures 15 à 18 heures 30. Une réunion programmée à 20 heures virera souvent, une fois terminée, à un bien sympathique repas.

Les projets collectifs sont, à une exception près, présidés par des élèves de deuxième année, qui ont acquis une bonne expérience au contact, eux aussi, de leurs anciens collègues. La maîtrise des logiciels, les secrets du droit des associations, les arcanes de la trésorerie se transmettent ainsi, comme de génération en génération. Leurs ressources proviennent essentiellement de fonds alloués en début d’année par le BDE, de sponsors propres et de ventes diverses, et sont utilisés pour organiser, d’année en année, toujours plus de manifestations, et les préparer avec toujours plus de savoir-faire – et de sang froid également –, ce qui donne de temps à autre la curieuse impression d’une ruche d’abeilles où l’on concourt pour montrer que jamais l’on ne s’arrête. Mais pour gagner les faveurs de quelle reine ?

Une équipe administrative à l’écoute

Ce qui caractérise en outre Nancy, c’est son administration, très proche des étudiants. Une équipe de dix têtes bien faites à la parité toute gouvernementale. Lors de notre dernière rentrée solennelle, une ancienne déclara : “si vous avez un problème avec les services de Paris, demandez à Isabelle, ça marche toujours”. Isabelle est une des deux assistantes de direction, et dans ses messages, elle nous “remercie pour [n]otre attention” et nous “souhaite une bonne journée”, ce qui n’est jamais mauvais à prendre. Cachés dans de plus petits bureaux, nous avons Alexandra, celle que beaucoup ont rencontrée en premier lors de leur visite, et Ronald, chanteur d’opéra à ses heures gagnées (pardon du jeu de mots). Continuons dans ce couloir pour croiser un géant, Michael, un des tous premiers étudiants, maintenant chargé de cours et responsable des relations internationales, à un tel point qu’il nous quitte en avril pour le ministère fédéral allemand des affaires étrangères. Revenons sur nos pas pour saluer Monsieur Laval, directeur hyper-engagé pour la communauté étudiante, à toute heure du jour et surtout de la nuit, et à l’impressionnante panoplie de cravates.

Mais qui voilà dans l’escalier, de retour de congé maternité ? Elsa, directrice adjointe et fondatrice du Bureau des élèves – le monde est petit. Pour ceux qui ne fréquentent pas sa classe, il est plus rare de croiser Martin, indispensable maillon néanmoins de la machine et surveillant de galop hors-pair : “oui, bon, les consignes, vous les connaissez”. Il occupe d’ailleurs un poste appartenant aujourd’hui à Bastienne Schulz, lectrice du DAAD et organisatrice de soirées-lecture. Mireille Fomenko, pour sa part, est bibliothécaire et responsable du suivi avec Paris : elle disposera l’an prochain de locaux entièrement rénovés et agrandis. Pour finir le tableau, deux sympathiques blagueurs, disponible et attentifs : Sébastien, responsable technique, informaticien, photographe, et webmaster est espagnol et en permanence recherché par tout le monde, à l’instar de Cyril, appariteur, ou plutôt régisseur, et en tout cas fumeur, qu’il convient de féliciter à nouveau pour la naissance récente de sa fille.

Une famille pour toujours

Les relations de toute la communauté sont régies par la confiance. Même avec l’administration, tout le monde se connaît par son prénom et peut alterner discussion politique et plaisanteries. Cette foi va en réalité si loin qu’il ne pose aucun problème de laisser son sac à main ouvert ou bien son MacBook Pro © allumé et posé dans le Forum, puis de revenir deux heures après, et de constater que, bien évidemment, il n’aura pas bougé, que personne n’y aura touché. Par ailleurs, le pilier essentiel de notre vie tourne autour des colocations, véritable base des cercles d’amis, qui ne demandent qu’à être élargis et à se croiser. Transmises de Sciences Potes nancéiens en Sciences Potes nancéiens depuis des années, elles sont si connues que l’on se donne rendez-vous au “123”, au “150”, au “Bloc”, au “Pentagone”, au “Jardin”, au “Couvent”, à la “Pension Stutzmann”, à la “Salpêt”, etc. pour soirées et dîners. Moins personnels selon certains mais tout aussi directs et efficaces, les rapports entre étudiants sont organisés sur de nombreux groupe Facebook, dont le principal peut accueillir des questions telles que “échange Freund 13 heures contre Friedmann 15 heures”, “j’ai perdu mes clefs hier soir, merci de les déposer chez Cyril” ou bien, la plus classique peut-être “qui a le numéro de X ?”. Véritablement, l’on se sent sur le campus comme à la maison, voire mieux, et certains passent leurs journées dans leur fauteuil favori ou devant le piano, qu’ils aient cours ou non.

Cette famille très soudée, en plus de fournir un grand nombre d’amis dès l’arrivée sur le campus de Paris pour la poursuite des études en Master, forme également un véritable réseaux d’anciens, automatiquement liés d’amitié avec les nouveaux, sans les connaître, parce que tous ont fait et font les mêmes expériences chaleureuses. Du lundi 14 janvier au mercredi 17 janvier 2013 dernier, les étudiants de deuxième année étaient en séjour d’études à Bruxelles et Luxembourg et ont pu constater, dans les rangs des lobbyistes de l’industrie ou de l’électricité, parmi les diplomates des Représentations permanentes française et allemande, au sein des militaires de l’OTAN ou à l’intérieur du département de la traduction et de l’interprétariat de la CJUE, que la présence de jeunes cadres passés par le cycle franco-allemand est impressionnante, et que tous en ont conservé, cela va sans dire, de fabuleux souvenirs.

Innovation pédagogique, effervescence intellectuelle, bouillonnement des projets collectifs, amitiés sincères : voici comment résumer ce qu’est le campus européen franco-allemand de Nancy.

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